L'évolution en quatre points clés
La notion scientifique d’évolution est l’une des notions les plus fondamentales de la science moderne. En effet, la théorie de l’évolution est si féconde qu’elle permet d’expliquer des aspects variés du monde vivant :
- elle rend intelligible l’histoire de la vie, que l’on peut décrypter notamment à travers les archives que constituent les fossiles ;
- elle explique pourquoi le vivant se caractérise à la fois par une profonde unité, notamment biochimique, génétique et physiologique, et par une extraordinaire diversité, puisque l’on a décrit près de 2 millions d’espèces actuelles différentes ;
- elle rend compte de la répartition géographique des organismes, tant à notre époque que dans le passé.
La théorie de l’évolution constitue de fait le fondement essentiel de la biologie moderne et de la paléontologie et elle est accréditée par un ensemble de preuves scientifiques provenant de diverses disciplines.
Cependant, l’évolution est aussi l’un des concepts scientifiques les plus mal compris du grand public et la théorie de l’évolution est combattue par des courants religieux qui tentent de promouvoir diverses croyances comme le créationnisme et le « dessein intelligent » de façon plus ou moins marquée selon les pays. Cet état de fait est d’autant plus dommageable qu’il résulte le plus souvent de l’ignorance de ce qu’est la science et de ce qui distingue la science de la religion, l’une et l’autre procédant de démarches totalement distinctes. En effet, les religions reposent sur la foi tandis que la science repose sur la vérification d’hypothèses et son champ se restreint donc à des explications vérifiables qui peuvent être contredites par des faits ou par l’expérience.
La théorie de l’évolution peut être résumée en quatre points principaux :
1. Il existe naturellement des variations individuelles au sein de chaque espèce
Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer les gens autour de soi ou encore les animaux ou les plantes. Les éleveurs professionnels utilisent d’ailleurs les variations naturelles des animaux domestiques ou des plantes cultivées pour produire de nouvelles variétés. Le phénomène de résistance aux antibiotiques chez les bactéries ou de résistance aux insecticides chez les insectes en sont d’autres exemples, très préoccupants. C’est la variation naturelle qui est responsable du fait qu’une bactérie ou un insecte soit résistant à telle ou telle substance chimique et donne une descendance qui hérite de ce caractère.
2. Les êtres vivants produisent une descendance trop nombreuse par rapport aux ressources de l’environnement
Les êtres vivants produisent des descendants, souvent en très grand nombre, mais peu d’entre eux parviennent à l’âge adulte, c'est-à-dire à l’âge de la reproduction. Ainsi, chaque année un cerisier donne des milliers de cerises, une femelle de hareng produit plus de 10 000 œufs et une femelle d’esturgeon plusieurs millions. Darwin avait calculé que, chez l’éléphant qui fait pourtant partie des animaux parmi les plus lents à se reproduire, si tous les descendants d’une seule femelle survivaient et se reproduisaient à leur tour, au bout de 750 ans sa descendance atteindrait le nombre de 19 millions. Aussi, si l’ensemble des descendants de tous les êtres vivants survivaient jusqu’à l’âge adulte et se reproduisaient, la planète serait rapidement et complètement envahie.
3. Les organismes sont en compétition les uns avec les autres
Comme on l’a vu plus haut, une partie de la descendance d’un être vivant disparaît avant d’atteindre l’âge adulte. Ce peut être accidentellement ou de maladie, mais encore en raison de la compétition. Celle-ci s’exerce aussi entre les individus d’une même espèce qui sont en compétition pour les mêmes ressources (eau, aliments, partenaires sexuels, abris, etc.). Ainsi, chez des animaux qui chassent des proies à la course, les plus rapides auront accès plus aisément aux ressources et auront donc plus de chances de survivre. Chez des oiseaux ayant une parade nuptiale, ceux qui sont les plus attirants auront plus de chances de se reproduire. Et ce sont bien sûr les organismes qui survivent et se reproduisent qui transmettent leur patrimoine génétique à leur descendance.
4. Les organismes les mieux adaptés à leur environnement sont ceux qui ont le plus de chances de survivre, de se reproduire et de transmettre leur patrimoine génétique à leur descendance
De nombreuses variantes d’un caractère donné, par exemple les différentes couleurs de l’œil ou des cheveux chez les êtres humains, sont neutres. C'est-à-dire qu’elles ne confèrent aucun avantage ni désavantage particulier. En revanche d’autres sont clairement défavorables, par exemple des maladies génétiques et d’autres enfin sont clairement favorables, comme la peau de couleur foncée là où les hommes sont exposés à un rayonnement ultraviolet important. Darwin a appelé « sélection naturelle » le processus par lequel les variations favorables sont transmises de génération en génération.
Les bases de la classification phylogénétique
Au cours des temps géologiques, les organismes ont évolué, c’est-à-dire que des espèces ancestrales ont donné naissance à de nouvelles lignées. Ces nouvelles lignées ont généralement conservé inchangées une grande partie des caractéristiques de leurs ancêtres, tandis que quelques-unes des caractéristiques ancestrales ont pu se modifier au cours du temps et que de nouvelles ont pu également apparaître. La sélection naturelle a éliminé les organismes dont les caractéristiques étaient incompatibles avec les contraintes de l’environnement tandis que d’autres ont pu prospérer.
La classification phylogénétique est destinée à apporter des informations sur le degré de parenté entre les êtres vivants et donc sur l’évolution des espèces. C’est pourquoi, elle classe les êtres vivants en se fondant sur les caractéristiques qu’ils partagent (vertèbres, plumes, bec, etc.) parce qu’ils les ont héritées d’un ancêtre commun. Contrairement aux classifications antérieures, elle ne prend pas en compte ce qu’ils n’ont pas, par exemple l’absence de vertèbres, considérée autrefois comme une caractéristique permettant d’inclure un animal dans le groupe des invertébrés.
Dans le même esprit, la classification ne se base pas non plus sur ce que font les êtres vivants (marcher, voler, ramper), car ils héritent de leurs ancêtres des structures (os, membres, etc.) dont les fonctions peuvent se modifier au cours de l’évolution. Ainsi, les membres des mammifères, pourtant construits sur un même plan, peuvent servir à la marche (homme), à la nage (dauphin) ou au vol (chauve-souris). Inversement, un même moyen de locomotion, comme le vol par exemple, peut reposer sur des structures sans aucun lien de parenté entre elles, comme les ailes des oiseaux et celles des insectes.
Enfin, la classification ne prend en compte, ni la manière dont les êtres vivants sont utilisés par l’homme, ni l’endroit où ils vivent. Le vocabulaire courant de la cuisine, par exemple, (poissons, fruits de mer, légumes) est simplement un système utilitaire de rangement qui ne reflète en rien la classification du vivant. Par exemple les termes "poisson" ou "fruits de mer" sont des appellations culinaires pratiques sans rapport avec la classification du vivant. Ainsi, le maquereau est un vertébré (actinoptérygien), l'huître est un mollusque (lamellibranche) et la crevette un arthropode (crustacé).
En revanche, des clés de détermination des espèces peuvent prendre en compte, pour des raisons pratiques, des caractéristiques rejetées par la classification phylogénétique car l’objectif, dans ce cas, est simplement d’identifier un animal. Ainsi, lorsque l’on cherche à identifier un spécimen d’animal, la constatation de l’absence de pattes ou d’ailes pourra aider à restreindre la recherche, sans pour autant que cela constitue un élément de classification.
Mais le vocabulaire issu des anciennes classifications persiste dans bien des esprits, y compris parmi des biologistes, et dans de nombreux documents, singulièrement dans les manuels scolaires. On y trouve ainsi couramment des références à certains groupes, comme, par exemple, les invertébrés, les poissons et les reptiles qui ne constituent plus, pourtant, des unités systématiques ou taxons reconnues par la classification actuelle. Ainsi, les invertébrés des anciennes classifications correspondent en réalité à une trentaine de lignées différentes dans la classification actuelle qui ne sont pas plus proches entre elles qu’avec la lignée des vertébrés, rendant obsolète la distinction vertébrés/invertébrés. Par exemple, les annélides (ver de terre), les mollusques (escargot) et les arthropodes (langoustine), ne se ressemblent pas plus entre eux qu’ils ne ressemblent aux vertébrés et il n’y a aucune raison de les regrouper, alors qu’ils faisaient partie, dans les anciennes classifications, du même ensemble des invertébrés. Ces regroupements étaient liés au fait que l’homme était considéré comme l’aboutissement ultime de l’évolution et, puisqu’il appartient aux vertébrés, ces derniers représentaient l’embranchement terminal produit par l’évolution, l’homme occupant le sommet de la hiérarchie. La classification actuelle, débarrassée de son anthropocentrisme et reflétant désormais uniquement des relations de parenté évolutive, ne considère plus l’espèce humaine, Homo sapiens, comme l’aboutissement de l’évolution. De même, l’étude des « poissons », comme celle des « reptiles » a contraint les biologistes à répartir les différentes espèces dans de nouveaux groupes constitués en fonction de leur parenté évolutive. Ainsi, certains « poissons » sont désormais classés dans le groupe des actinoptérygiens (nageoires rayonnées), tandis que d’autres sont classés parmi les sarcoptérygiens (nageoires charnues) au même titre que les vertébrés à quatre pattes.
La figure ci-dessous montre l’emboîtement des groupes tel qu’il résulte de la classification actuelle fondée sur les attributs partagés par différentes espèces d’un échantillon d’animaux.