Questions aux experts
Matière et matériaux
Les mélanges sont-ils réversibles ?
Lors d'un stage en maternelle, j'ai voulu travailler sur les transformations de la matière rencontrées en cuisine. J'ai voulu aborder le mélange mais je ne suis pas sûre que mes exemples, qui sont des mélanges en langage courant, le soient d'un point de vue scientifique.
Le premier est un mélange cacao+lait, le second est le mélange d'ingrédients pour réaliser une pâte à gâteau.
De plus, doit-on considérer qu'un mélange est toujours réversible ?
Si oui, ces deux-là le sont-ils ? Enfin, quelles sont les phénomènes qui ont lieu lors du mélange cacao+lait ?
Suite à la réponse de Jean Matricon sur la notion de mélange, je voudrais préciser quelques points. Il y a en effet une différence entre ce que l'on nomme "mélange" dans la vie courante, et l'objet physico-chimique bien défini qu'est le mélange homogène.
Le premier terme renvoie en général au mélange hétérogène, c'est-à-dire au mélange constitué d'une dispersion de grains, bulles ou filaments d'une ou plusieurs substances au sein d'une ou plusieurs autres.
Le terme "hétérogène" caractérise en effet la non-homogénéité de la matière au niveau moléculaire : en s'y déplaçant à une échelle d'une centaine de fois plus grande, on rencontrerait des zones de tailles et de compositions variables. Ainsi le lait et la mayonnaise peuvent être considérés (en première approximation) comme des mélanges hétérogènes constitués de bulles de graisse dans l'eau (on parle dans ce cas d'émulsion car ces bulles sont relativement stables et ne se rassemblent pas). De même le blanc battu en neige peut être considéré comme un mélange hétérogène d'air dans le blanc d'œuf. Certaines lessives sont des mélanges hétérogènes de grains de détergent blanc et de grains de détergent bleu. Le brouillard est un mélange hétérogène d'eau et d'air.
Le second terme (mélange homogène) est caractérisé par une association intime des constituants moléculaires de deux ou plusieurs substances, chacune constituée de molécules identiques.
Le terme "homogène" caractérise cette fois l'homogénéité de la matière au niveau moléculaire : en s'y déplaçant à une échelle une centaine de fois plus grande, on ne rencontrerait aucune variation de composition.
Ainsi le bronze est un mélange homogène de cuivre et d'étain, le vin blanc un mélange homogène d'eau et d'éthanol, l'essence un mélange homogène de divers hydrocarbures, l'air un mélange homogène de divers gaz dont le diazote et le dioxygène.
Notons que l'on parle de mélange homogène lorsque les différents constituants sont présents dans des proportions analogues. Dans le cas contraire (c'est-à-dire lorsque l'un des constituants est très minoritaire par rapport aux autres), on parle de solution.
Ainsi l'eau de Javel est une solution de soude et de sel de cuisine dans l'eau. Il existe également des solutions solides : celles d'indium ou d'arsenic dans le silicium très pur dans certains composants électroniques par exemple.
On remarque que dans un mélange hétérogène, l'un des deux constituants peut lui-même être un mélange homogène. C'est par exemple le cas du blanc d'œuf (mélange d'eau et d'albumine) et de la plupart des exemples cités plus haut ("eau" du lait, "air" du brouillard...).
En théorie, il est toujours possible de séparer les constituants d'un mélange. S'il est hétérogène, la tâche est généralement plus facile (par filtration, décantation...) que s'il est homogène. Dans ce cas, diverses techniques plus ou moins sophistiquées peuvent être employées (distillation, entraînement à la vapeur, cristallisation fractionnée...). En pratique, certains mélanges sont extrêmement difficiles à séparer. C'est le cas du cuivre et de l'étain dans le bronze, par exemple.
Voilà mon avis, qui diffère légèrement de celui de Jean Matricon sur un certain nombre de points et notamment sur celui de la séparation et celui de l'entité physico-chimique nommée mélange homogène. Pensons par exemple aux "convention mélange" et "convention solution" employées en thermodynamique, qui justifient ce point de vue.
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Le mot "mélange" désigne le résultat d'une action, celle de mélanger, et non une entité physico-chimique, comme par exemple une "solution" ou une "émulsion", même si, souvent, l'une ou l'autre résulte d'un "mélange" initial.
Pour ce qui est de la réversibilité d'un mélange, il n'y a pas de règle, tout dépend de l'affinité réciproque des constituants du mélange. Un mélange d'eau et de sable est réversible, il suffit de laisser l'eau s'évaporer, un mélange d'eau et de plâtre ne l'est pas.
Dans le cas du mélange cacao-lait, le résultat est une émulsion de cacao dans le lait, lequel est déjà une émulsion. Les très petites particules de cacao (mélange de protéines, de sucres et de matières grasses) sont maintenu es en suspension dans le lait par l'ajout d'émulsifiants qui "habillent" ces particules et les empêchent de se coaguler les unes aux autres. Tout retour aux constituants initiaux est impossible à cause de la structure complexe du lait.
Le mélange eau-cacao est, en revanche, partiellement réversible, au moins par évaporation de l'eau. Dans le cas du mélange d'ingrédients d'une pâte à gâteau, que je suppose être de la farine, du sucre, du beurre et des œufs, il y a à la fois dissolution des éléments solubles (sucre), gonflement des grains d'amidon et "émulsification" des graisses.
Rien de tout cela n'est vraiment réversible. Je pense sincèrement que les éléments culinaires ne constituent pas de bons exemples pédagogiques du concept de mélange.