Introduction vidéo "L'intérêt des cartes conceptuelles"
L’enseignement des sciences fondé sur l’investigation (ESFI) est souvent bien perçu par les professeurs comme permettant aux élèves d’acquérir différentes compétences en lien avec la démarche scientifique. Or, cet enseignement doit également viser l’acquisition de notions scientifiques tout au long de la scolarité obligatoire.
Le propos de cet article est d’apporter aux enseignants et aux formateurs un soutien et des outils concrets quant à la formulation des notions scientifiques que les élèves doivent acquérir.
La réflexion dans le domaine est assez peu avancée, l’institution et les éditions ne proposant pas vraiment d’aide structurée sur la question. De plus, pour préparer leur enseignement, les professeurs raisonnent plutôt en termes d’activités, cette dernière étant considérée comme « naturellement » porteuse des savoirs scientifiques à acquérir sans qu’ils soient réellement identifiés par les enseignants. En effet, il n’est pas aisé de recenser autour d’une notion de portée générale, l’ensemble des sous-notions nécessaires à sa compréhension. Et dans un deuxième temps d’y associer des activités d’une ou plusieurs séances organisées en une progression cohérente permettant leur acquisition par les élèves.
Pour ces différentes raisons, depuis 2010, l’équipe de la Fondation La main à la pâte travaille cette thématique en s’appuyant sur les travaux rapportés dans les trois ouvrages suivants :
- « 10 notions-clés pour enseigner les sciences » écrit par un collectif de scientifiques et de pédagogues aux éditions LE POMMIER. Ce livre définit un ensemble de grands domaines scientifiques (notions-clés) et l’ensemble des « petites » notions qui y sont associées et que les élèves devraient acquérir à la fin de leur classe de troisième.
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« Science et culture Repères pour une culture scientifique commune » par Hélène Langevin-Joliot et Jacques Haïssinski aux éditions Apogée.
Ce livre de culture scientifique présente principes, méthodes et connaissances de manière synthétique. Il explicite des notions essentielles apportant commentaires et exemples ouvrant sur des questions concrètes ou sur des avancées scientifiques récentes. - L’enseignement des sciences fondé sur l’investigation. Conseils pour les enseignants. K. Worth, Mauricio Duque, Edith Saltiel, La main à la pâte
Cet ouvrage comprend une partie concernant la production de séquences pour l’enseignement des sciences. On y aborde concrètement la manière de définir et rédiger les notions scientifiques que les élèves doivent acquérir en utilisant des formulations correspondant à leur niveau de classe. On y comprend comment organiser l’ensemble de ces notions en fonction d’une thématique pour obtenir un scénario conceptuel. Et dans un dernier temps, comment choisir des activités de classe qui permettront l’acquisition de ces notions.
Extrait de l’ouvrage : « Un module ne peut être uniquement constitué d’un ensemble d’activités portant sur le même sujet. Ces dernières doivent pouvoir s’enchaîner dans un ordre choisi, pour permettre aux élèves de construire des connaissances précises. Les questions utiles à se poser peuvent être les suivantes. Quelle est la progression en termes d'acquisition des concepts ou des notions tout au long du module ? Quelles seront les idées fausses que les élèves risquent d’avancer et comment ensuite les travailler ? Comment chaque séquence d’apprentissage se construira-t-elle sur ce qui précédait et conduira-t-elle aux séquences d’apprentissage suivantes ? »
Il s’est alors avéré utile de formaliser un travail et des outils autour des notions scientifiques à deux échelles différentes :
- des cartes conceptuelles permettant de recenser et organiser un ensemble de notions à l’échelle de la scolarité obligatoire (de la maternelle à la classe de troisième)
- des scénarios conceptuels permettant de définir plus particulièrement des notions abordées à un niveau de classe ou un cycle d’enseignement.
Chaque scénario conceptuel est un sous-ensemble d’une carte. Et réciproquement, une carte conceptuelle pourrait être envisagée comme une mosaïque de scénarios.
Les cartes conceptuelles
Une carte conceptuelle est un outil permettant de recenser l’ensemble des notions participant à l’acquisition d’une notion-clé.
C’est un outil au service de l’ensemble des professeurs qui auront à aborder, au cours de leur enseignement, des thématiques en lien avec la notion-clé. Il leur permet en effet de se situer par rapport à l’ensemble complexe des notions définissant la notion-clé et comprendre comment celles-ci peuvent s’agencer en amont et en aval de leurs interventions, sur l’ensemble de la scolarité obligatoire. La carte conceptuelle constitue un formidable outil de travail et de liaison pour l’ensemble de ces professeurs.
Méthodologie utilisée par l’équipe de la Fondation La main à la pâte pour établir une carte conceptuelle. Exemple concernant « La matière » :
- Organiser un brainstorming à quelques collègues pour recenser l'ensemble des notions se rapportant à la thématique de la matière. Dans un premier temps ne pas se limiter aux notions mentionnées par les programmes mais effectuer un brainstorming faisant apparaître les connaissances possédées par le groupe d'adultes "brainstormant". Ce recensement s'effectue sur papier libre, sous forme de listes de mots (ou groupe de mots).
- Noter ensuite chaque notion listée sur un post-it en évitant les doublons.
- Organiser ensuite l’ensemble de ces notions de manière cohérente (affichage des post-it au mur) : déterminer des groupes, puis une disposition spécifique de ces groupes signifiant leur degré de relation, ajouter des liens éventuellement qui peuvent être légendés…
- Consulter les programmes de l’école et du collège pour harmoniser le vocabulaire employé et opérer des ajustements en fonction de notions qui n’apparaitraient pas dans la carte ou de celles qui dépasseraient le niveau exigé par les programmes.
- Eventuellement, associer à un ensemble de notions des niveaux de classe pour lesquels l’acquisition est possible.
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Quelle que soit la thématique abordée, il est important de signaler qu’il n’existe pas « une » carte conceptuelle. Elles sont toutes sujettes à discussion : les interactions qui naissent autour de leur conception ou de leur réarrangement sont très utiles à la meilleure compréhension des notions elles-mêmes. Il peut y avoir bien des variantes dans le choix et l’organisation des notions.
De même, bien que les cartes conceptuelles aient tendance à présenter chaque concept par un ou plusieurs mots sans avoir recours à des phrases, ce qui les différencie des scénarios conceptuels (voir paragraphe suivant), il est tout à fait possible d’utiliser des formulations plus avancées si le besoin s’en fait ressentir. Les cartes doivent avant tout rester des outils au service de ceux qui les produisent et les utilisent.
La carte conceptuelle de l’énergie illustre bien ce propos. Les auteurs ont eu recours à des formulations élaborées pour mieux cerner les notions liées à ce concept abstrait.
Exemples de modalités pour aborder un travail sur les cartes conceptuelles avec des professeurs ou des formateurs en formation :
Produire une carte conceptuelle :
- en utilisant la méthodologie du brainstorming citée ci-dessus
- à partir de notions pré-écrites à organiser (possibilité de reformuler, d’ajouter des notions…)
- à partir de cartes déjà produites à commenter
Quelques points d'attention et déroulement possible d'un atelier de production de carte conceptuelle en formation :
- Il n'est pas toujours aisé, en formation de demander aux participants de partir d'une page blanche. Ce type de travail est facilité lorsque les professeurs ont suivi des ateliers d'investigation, des interactions avec des scientifiques... autour de la thématique abordée. Typiquement lorsque la formation comprend deux jours, l'atelier de production de carte conceptuelle peut s'effectuer lors de la dernière demi-journée. Il est alors possible de débuter l'atelier par le jeu du "maillon faible".
Etape 1 : (30 à 45 min)
Les participants se mettent debout en rond : il leur est demandé d'énoncer à tour de rôle un mot ayant rapport avec la thématique abordée (la matière, l'énergie...). Les intervenants notent à la volée les mots sur un ordinateur et les projettent sur un écran. Un participant est éliminé lorsqu'il ne trouve plus de mot ou énonce un mot qui a déjà été donné auparavant. Tout participant éliminé s'asseoit. Le dernier à rester debout reçoit toute l'admiration de ses collègues. Les participants travaillent ensuite en groupe de 4 selon l'organisation suivante :
- Noter sur des post-it (un par post-it) l'ensemble des mots (notions) qui ont été cités durant le jeu et qui sont projetés.
- Organiser ensuite l’ensemble de ces notions de manière cohérente (affichage des post-it au mur, sur une affiche…) : déterminer des groupes, puis une disposition spécifique de ces groupes signifiant leur degré de relation, ajouter des liens éventuellement qui peuvent être légendés…
- Associer à un ensemble de notions des niveaux de classe pour lesquels l’acquisition est possible
Etape 2 : (30 min)
Mise en commun : elle s’effectue à partir de 3 ou 4 propositions faites par les participants.
Etape 3 : (30 min)
- Deux exemples de cartes réalisés par l’équipe de la Fondation La main à la pâte sont analysés.
- Synthèse sur l’intérêt de la production de cartes conceptuelles et sur leur utilisation en formation des professeurs
Deux exemples de cartes produites par deux groupes de participants lors d’une action de développement professionnel du réseau des Maisons pour la science.
Les scénarios conceptuels
Le scénario conceptuel est un outil portant sur les notions à l’échelle d’une séquence (ensemble de séances) ou d’un module (ensemble de séquences) d’enseignement des sciences. Il s’agit d’identifier l’ensemble des notions nécessaires à l’acquisition d’une notion de portée plus générale, par exemple la matérialité de l’air. Les sous-notions s’expriment en utilisant des formulations correspondant au niveau des élèves à qui s’adresse la séquence ou le module. Ces notions doivent ensuite être organisées en une progression cohérente à laquelle on fait correspondre, dans un troisième temps, des activités permettant aux élèves de faire leur acquisition.
L’équipe de la Fondation La main à la pâte a depuis 2010 (« Ma maison ma planète et moi ! ») éprouvé cette méthode de travail pour la production de la majorité des projets thématiques.
Rappelons que, tout comme pour les cartes conceptuelles, il existe bien des façons de concevoir des scénarios conceptuels pour une même thématique et un même niveau de classe. L’enchaînement des notions peut donc différer d’un scénario à l’autre ainsi que le type d’activités et leur ordre de mise en œuvre.
Méthodologie utilisée par l’équipe de la Fondation La main à la pâte pour la production d’un scénario conceptuel. :
- Recenser et formuler l’ensemble des notions impliquées dans la compréhension de la thématique. Attention chaque notion doit être exprimée sous forme de phrase. Dans le cas d’un scénario conceptuel, un mot ne suffit pas à identifier une notion. Pour cette étape, il est possible d’utiliser des post-it et d’écrire une phrase par post-it. On peut également taper les phrases dans un fichier de traitement de texte, ou utiliser tout autre logiciel adapté à ce type d’exercice (par exemple, logiciel VUE disponible gratuitement).
- Organiser cet ensemble de manière logique en appliquant un ordre descendant.
Deux exemples de scénario conceptuels bâtis à partir des mêmes formulations de notion portant sur les constructions parasismiques :
1/ Phase d’organisation des notions
2/ Scénarios avec quelques évolutions lors de la mise au propre
(cliquer pour ouvrir le PDF)
Exemple de scénario conceptuel tiré de l’ouvrage « Ciel et Terre » collection Actisicences aux éditions SED avec leur aimable autorisation
(cliquer pour agrandir)
Complémentarité des cartes et scénarios conceptuels :
Ces deux outils sont évidemment complémentaires puisque, comme on l’a vu, ils identifient des notions scientifiques à des échelles différentes.
Chaque notion d’une carte conceptuelle, devrait pouvoir donner lieu à la production d’un ou plusieurs scénarios conceptuels correspondant à un niveau de classe ou un cycle de l’école obligatoire.
Ces outils, qu’on peut faire produire aux professeurs ou qu’on peut leur fournir, sont d’une grande utilité pour :
- clarifier les notions participant à l’acquisition d’une notion de portée plus générale, et approfondir le sujet, lors du travail préparatoire à tout enseignement des sciences ;
- entrevoir les liens logiques qu’entretiennent l’ensemble de ces notions ;
- déterminer des situations d’enseignement qui permettent une acquisition explicite de ces notions scientifiques ;
- anticiper les difficultés des élèves ;
- mieux identifier les liens logiques que les élèves n’établissent pas durant la mise en œuvre des séances ;
- mieux situer son propre enseignement au sein de la scolarité obligatoire (niveau de savoirs et de compétences des élèves avant et après un niveau de classe déterminé).
Affiche réalisée avec des formateurs durant une action de développement professionnel du Centre National-réseau des Maisons pour la science
Les notions de science du côté des élèves
Pour terminer, il est tout à fait possible d’effectuer un travail similaire avec les élèves autour des notions qu’ils abordent durant les séances de science.
Quel que soit le niveau de notions abordés (plus ou moins loin d’une notion-clé), il est important d’organiser des moments formels d’enseignement durant lesquels les enseignants permettent aux élèves de faire des liens entre différentes notions qui peuvent parfois paraître déconnectés. Cette mise en réseau de notions découvertes au cours de différentes séquences, sur un temps court ou sur plusieurs années scolaires, favorise la construction de concepts de portée plus générale.
Le projet pédagogique « L’océan, ma planète… et moi ! » , par exemple, propose, en guise d’évaluation formative, de faire produire des scénarios conceptuels par les élèves (voir partie "Séance évaluation - bilan" sur le projet).
Pour approfondir cette question, vous pouvez vous reporter à l’article "entrainement et structuration" (voir ci-dessous). Cet article précise le type de travail donné dans l’exemple ci-dessous et effectué avec des élèves à la suite de séquences portant sur les mélanges et les solutions :