Questions aux experts
Matière et matériaux
Les mélanges réfrigérants
Peut-on m'indiquer une documentation accessible à un public non spécialisé sur les propriétés des "mélanges réfrigérants" type glace pilée/sel marin (il en existe d'autres) et l'explication qu'on peut en donner. Mon seul document source est un vieux "Que sais-je" sur le froid; D'après de vieux souvenirs de classe prépa, il me semble qu'il s'agit de mélanges eutectiques (?, à voir).
Tout cela est insuffisant. Or ce mélange est bien commode à utiliser à l'école pour y congeler de l'eau entre autre.
Voici ma réponse à la question des mélanges réfrigérants. Elle est extraite d'un mémorable ouvrage datant de 1884, écrit par Mr Amédée GUILLEMIN, et qui s'appelle : La Chaleur, dans la série "Le monde physique", dont je possède plusieurs ouvrages, obtenus comme prix par mon grand père quand il était lycéen.
Parlons d'abord de l'emploi des mélanges réfrigérants, que les chimistes et les physiciens utilisent depuis longtemps dans leurs laboratoires. Ces mélanges sont nombreux. Citons quelques-uns des plus usités : 2 parties en poids de glace pilée ou de neige avec 1 partie de sel marin (ou chlorure de sodium); les deux sels prennent l'un et l'autre l'état liquide, et le thermomètre plongé dans la dissolution descend à 19 °C, ou même à 20 °C au-dessous de zéro.
3 parties de glace pilée ou de neige, mélangées avec 4 parties de chlorure de calcium, permettent d'atteindre un froid de -50 °C. Dans ces deux mélanges, la cause du refroidissement est double. L'affinité de l'eau liquide pour l'un ou l'autre sel détermine la double liquéfaction; l'eau doit d'abord se liquéfier pour que cette affinité puisse s'exercer. De là une première absorption de chaleur, nécessitée par le travail mécanique de la fusion de la glace ou de la neige; puis une nouvelle absorption, résultant de la liquéfaction des sels.
Un autre mélange réfrigérant fréquemment employé est celui qu'on forme avec 8 parties de sulfate de soude cristallisé et 5 d'acide chlorhydrique concentré. Le sulfate de soude doit être finement pulvérisé. On le voit fondre rapidement, et le thermomètre plongé dans le mélange s'abaisse à 27 °C environ au-dessous de sa température initiale. Ici l'abaissement de température est dû à diverses causes, notamment à la liquéfaction de l'eau
de cristallisation du sulfate de soude (1).
Voici d'autres mélanges d'un sel avec un acide: 3 parties de sulfate de soude et 2 d'acide azotique étendu: refroidissement de 29 °C. 9 parties de phosphate de soude et 4 d'acide azotique étendu: abaissement de température, 39 °C. 6 parties de sulfate de soude, 5 d'azotate d'ammoniaque et 4 d'acide azotique étendu: 36°. On
sait enfin que l'azotate d'ammoniaque est un sel blanc, solide, qui cristallise parfaitement et est très soluble dans l'eau. Si l'on fait un mélange de 1 partie de ce sel, finement pulvérisé, avec 1 partie d'eau distillée, la fusion se fait presque instantanément, en déterminant un abaissement de 20 °C au dessous de la température ambiante. Si cette dernière est 10°, le froid produit est de 16° au-dessous de zéro.
(1). D'après M. Berthelot, « les mélanges réfrigérants constitués par des sels hydratés, associés aux acides, aux bases ou a d'autres sels, sont réglés par la théorie suivante: le phénomène anormal que ces mélanges manifestent résulte du concours des énergies chimiques avec des énergies étrangères. Les énergies chimiques agissent conformément au principe du travail maximum, pour déterminer une première réaction exothermique, dont
toutes les autres sont la conséquence. Les énergies calorifiques interviennent ensuite en sens inverse pour déterminer une absorption de chaleur, sous sa quadruple forme de dissociation (sulfate de soude hydraté), de désagrégation par le dissolvant (équilibre entre le bisulfate de soude et l'eau), de dissolution (laquelle ne joue qu'un rôle intermédiaire dans le cas du sulfate de soude et de l'acide chlorhydrique concentré), enfin de liquéfaction (eau de cristallisation). » (Comptes rendus de l'Académie des sciences pour 1880, t. 1.)
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Je n'ai pas connaissance de documentation récente sur les mélanges réfrigérants et leur explication. La généralisation des réfrigérateurs et congélateurs dans les cuisines (pour faire des glaces), ou de l'azote et de l'hélium liquides dans les laboratoires (pour travailler à basse température) doit en être la cause... On parle du mélange glace + sel dans Textes et documents pour la classe (n°74, 1997, une petite expérience) et dans Des mains à la tête (cycle 2, Magnard, 1996, un paragraphe sur l'eau salée), en me référant uniquement aux documents dont je dispose. Des explications relativement accessibles se trouvent dans les ouvrages classiques (complets et anciens...) de Thermodynamique (Y. Rocard, p. 210 ou Fleury et Mathieu, p. 418).
Pour se dissoudre (ou fondre, comme on dit improprement), le sel (de cuisine) doit recevoir l'énergie qui permet de "casser" les liaisons de nature électrique qui assurent sa cohésion (ces liaisons sont assurées par les forces électrostatiques qui se manifestent entre les ions Na+ et Cl-). On peut apporter cette énergie de l'extérieur : c'est ce qui se passe quand on met du sel dans de l'eau en train de chauffer sur la cuisinière. On peut imaginer que mettant du sel dans de l'eau froide, la chaleur soit prise à l'eau elle-même, qui sera donc encore plus froide, une fois le sel dissous (le sucre qui "fond" abaisse la température du café...). Si le sel est placé dans un mélange eau liquide + glace (0 °C), la température de l'eau (salée) décroît et la solidification de l'eau (salée), si on cherche à l'obtenir en refroidissant l'ensemble, intervient en dessous de 0 °C (d'où le salage des chaussées gelées). Cette température de solidification dépend de la concentration en sel de la solution. Elle est minimale (environ -20 °C) pour une proportion de sel d'environ 20 %, ce qui correspond au mélange dit "eutectique".