Questions aux experts
Matière et matériaux
Glaçons d'huile, de sirop et d'eau salée
Je me suis livrée à une expérience de solidification dans mon congélateur de différents liquides dont : huile, sirop pur et eau salée pour préparer d'éventuelles demandes de mes élèves. Pouvez-vous m'apporter des explications relevant de la non solidification de l'huile et du sirop pur, d'autre part le glaçon d'eau salée s'est disloqué en fines lamelles, pourquoi ?
N'ayant pas de réponses immédiates aux questions posées, j'ai reproduit vos expériences en laissant une nuit au congélateur de l'huile (d'olive), du sirop (d'orgeat) et de l'eau salée (à 20 % environ en masse).
J'ai constaté au matin que l'huile était solidifiée, mais le sirop pas complètement. La température de solidification dépend de la nature chimique et de la forme des constituants élémentaires des corps. Dans le cas présent ce sont des sortes de chaînes qui glissent plus ou moins facilement les unes le long des autres. L'abaissement de la température rend les mouvements de plus en plus difficiles (ou la viscosité de plus en plus grande). La température de solidification dépend alors du corps (et sans doute de son degré de pureté). L'huile d'arachide se solidifie à 3 °C, l'huile d'olive à -6 °C, celle de soja à -16 °C et celle de tournesol à -17 °C. La température d'un congélateur peut ne pas être suffisante (se situant théoriquement aux environs de -18 °C) dans les deux derniers cas. Est-ce que ceci correspond à votre expérience ?
Je ne sais pas si les sirops présentent des températures de solidification aussi différentes selon leur nature (une expérience à faire?). Celui d'orgeat s'est solidifié sans problème... en trempant le récipient dans un liquide nettement plus froid (de l'azote à -196 °C !).
Je n'ai pas observé les lamelles dont vous parlez dans le cas de l'eau salée. Une hypothèse : suivant la concentration initiale en sel, la densité ne serait pas la même en haut et en bas du bac et conduirait à une solidification en couches successives. Les lamelles sont-elles horizontales ?
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Je remercie MM. Torchet et Matricon de leurs réponses. Pour répondre à la dernière question de M. Torchet, j'ai refait l'expérience, mes "lamelles" n'en sont plus, mais le glaçon s'effrite très facilement, verticalement et en position oblique. J'ai bien obtenu, un glaçon d'huile d'olive. Dans ma première expérience, il s'agissait d'huile de tournesol. (Je referai les tentatives avec un mélange réfrigérant: glace et sel et les différentes huiles).
Merci de me préciser que la solidification obtenue du sirop (de menthe) s'est fait à -196°, je suis consolée.
A M. Matricon, j'ai goûté mes nouveaux glaçons d'eau salée dont je ne saurais donner les proportions sel et eau (ne sachant pas comment, les mesurer),en essayant de repérer, au dessus, au dessous, si il y avait une différence de concentration du sel, ils sont bien salés et je n'ai pas "senti" de différence.
Qu'en est-il alors de la banquise?
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Doctus cum libro, ayant consulté l'Universalis, je comprends ce que vous avez observé : la glace qui se forme initialement à partir d'eau salée est effectivement de la glace douce, mais elle peut emprisonner des gouttelettes de saumure, et donc paraître salée. Pour ce qui est de la structure feuilletée, elle existe effectivement dans la partie inférieure, à cause du mécanisme que j'avais proposé, c'est-à-dire une séparation de phase entre glace non salée et eau salée. Les lamelles (1 mm d'épaisseur) seraient alors, toujours d'après mes références, verticales, mais ne s'étendraient pas à tout le cristal.
Je pense qu'il faut distinguer entre l'expérience faite dans le congélateur et la prise de la banquise en haute mer. En effet, dans le congélateur, on transforme en glace l'intégralité de l'eau salée. On a alors affaire à un processus non stationnaire, car, au fur et à mesure que la prise se développe, le liquidus devient de plus en plus salé, et la concentration en sel du solidus en équilibre avec ce liquidus évolue, probablement jusqu'à la concentration de l'eutectique, qui, si mes souvenirs sont bons, fond à -17° et correspond à une concentration en sel de 30 %. La glace correspondante est alors franchement salée. Dans la mer, la variation de concentration en sel n'est pratiquement pas sensible, et la glace de banquise n'est pas salée (les esquimaux la font fondre pour la boire). Je viens de mettre en route une expérience dans mon congélateur, avec l'intention de la suivre d'heure en heure.
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Les huiles végétales existent, comme pratiquement tous les liquides, sous une forme solide cristallisée, mais qu'il n'est pas toujours facile d'obtenir (sauf pour l'huile d'olive de bonne qualité, qui commence à cristalliser dès +10°). Plus on refroidit un liquide visqueux, plus il devient visqueux, plus difficile est sa congélation, car les germes qui veulent bien apparaître ont du mal à s'agrandir dans un milieu où les mouvements des molécules sont si lents et difficiles. On connaît bien des liquides qui refusent de cristalliser et deviennent très visqueux, au point de paraître solides : les verres. Le sirop pur est probablement de ce genre, peut-être faudrait-il le refroidir beaucoup plus bas que ne le permet le congélateur (azote liquide?)
Pour ce qui est du glaçon d'eau salée, il aurait été intéressant de le goûter, car je pense qu'il n'était pas salé, ou très peu. En effet, l'eau salée qui gèle donne une phase "glace" beaucoup moins salée que la phase liquide. La structure feuilletée pourrait peut-être s'expliquer par un processus de cristallisation dans lequel la phase salée se concentre en sel pendant que l'eau peu salée cristallise, donnant ainsi un système à 2 phases qui s'empilent l'une sur l'autre? En tout cas, la congélation d'eau salée ne donne pas toujours des glaçons feuilletés, car ni la banquise ni les icebergs n'ont cette réputation.