Partir de l'imaginaire de l'enfant pour arriver sur le réel

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Domaine Pédagogique

Partir de l'imaginaire de l'enfant pour arriver sur le réel

L'accès à la pensée scientifique est-il compatible avec le développement de la pensée imaginaire et mythique, en particulier chez le jeune enfant ?
Peut-on répondre à cela que l'on peut partir de l'imaginaire de l'enfant pour arriver au réel (en partant de l'histoire d'un conte par exemple)?

Wed 29/05/02 - 14:00

Bonjour,

D'une part, je vous conseille la lecture de l'ouvrage de Lev Vigotski : Pensée et langage chap. 5 et chap. 6 : "Etude du développement des concepts scientifiques pendant l'enfance."
Cette pensée peut se retrouver à l'œuvre dans la démarche de Lamap.
D'autre part, je suis enseignante et je souhaite vous donner des éléments de réponse pour notre pratique.
Je pense à l'ouvrage de Maryline Coquidé et André Giordan
(L'enseignement scientifique à la maternelle, Z'éditions).
La première partie de votre question reprend un débat théorique présenté par Vigotski :

Attention de bien avoir à la conscience la signification du mot "développement": ici, ce n'est pas un processus de maturation naturelle.
Votre question suggère que la pensée scientifique de l'enfant se développe dans un "lieu" différent de la pensée imaginaire et mythique. Je perçois dans votre formulation comme une séparation de deux domaines distincts. Méfions-nous de nos schémas de pensée.
Je crains d'appauvrir la pensée de Vigotski, mais comme enseignante, je retiens quelques "idées- forces" qui peuvent me servir dans ma pratique.
Ainsi je retiens l'idée de l'unité fonctionnelle de la conscience et de la liaison des différents aspects de son activité. (le débat est complexe cf. chap. 6).
C'est d'ailleurs pourquoi dans la démarche de Lamap, nous partons des "représentations de l'enfant". Les représentations peuvent être imaginaires ou non.
La prise de conscience de ses propres représentations par l'enfant est un moment de la pensée scientifique à l'œuvre. C'est en terme d'interaction que le processus semble apparaître.
De ce point de vue, il n'y a pas d'antagonisme entre l'imaginaire et la pensée scientifique.
Voici un extrait de l'ouvrage de Maryline Coquidé et André Giordan : "Par la patiente distinction entre le vrai et le fictif qu'elles induisent, les activités scientifiques et techniques aident à dépasser le réalisme de l'enfant tout en contribuant à nourrir son imaginaire et sa créativité. S'il est légitime de faire dériver la collecte et l'observation de plantes et de fleurs vers la création de plantes fantastiques, c'est une erreur de laisser l'enfant seul démêler l'écheveau des domaines. L'imagination créatrice se conçoit alors comme dépassement de la réalité plutôt que substitut de cette réalité."

Le conte utilisé comme tel peut constituer un point de départ. (Exemple: "Les trois petits cochons" point de départ pour une découverte de la matière : paille, bois, pierre.)
La confrontation de l'imaginaire et de la réalité semble une interaction essentielle à la démarche scientifique. Aussi parlons-nous dans la démarche de Lamap d'une phase essentielle où les conceptions initiales des enfants émergent. Comme le rapport rationnel au monde n'est pas naturel chez l'enfant (cf. ouvrage cité), les conceptions initiales peuvent relever de l'imagination ou d'une activité de pensée non logique ou prélogique (?)

Les caractéristiques de la pensée de l'enfant qui échappent à la logique ne constituent pas un obstacle à la pratique de la démarche scientifique. La démarche scientifique prend appui sur ces caractéristiques de la pensée de l'enfant pour les dépasser.
Je voudrais souligner toutefois une autre problématique : L'imagination dans la recherche scientifique. Le problème du mot "hypothèse" dans la démarche expérimentale. Sans l'imagination le chercheur ne peut concevoir ni hypothèses expérimentales ni élaboration de protocoles d'expérimentation. Cette faculté rend possibles les associations les plus divergentes. Il s'agit bien d'une faculté de mobilisation et de combinaison des éléments mémorisés. Dès lors, nous prenons conscience de l'importance de la variété de la nécessité des "images", des expériences sensorielles et des contenus du savoir." Imagination ne signifie pas délire (cf. ouvrage cité Z'éditions).
De ce point de vue, l'utilisation du mot "hypothèse" dans la démarche de Lamap semble poser problème pour certains. (Je ne me souviens plus du lieu où j'ai vu ce débat apparaître).

Il faudrait parler dans l'enseignement élémentaire de suppositions et non d'hypothèses (?).
Le terme hypothèses peut-il convenir à l'activité scientifique de l'enfant dans l'enseignement élémentaire.
Jacques Billard dans "Le pourquoi des choses" (Edition Nathan Pédagogie) critique une séance en CM1 sur la germination et la croissance des lentilles. Il affirme qu'il ne faut pas confondre la recherche d'hypothèses avec un exercice de créativité. Il distingue des hypothèses recevables et d'autres non recevables et insiste sur la nécessité de réfléchir sur la recevabilité d'une hypothèse.
Voilà quelques éléments de réponse pour votre question.
Bonne réflexion.
Cordialement.

sam 08/06/2002 - 03:01
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