Une expérience sur l'air : courant d'air ou changement de pression ?

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Une expérience sur l'air : courant d'air ou changement de pression ?

Je suis en train de préparer une expérience avec les élèves. Ils doivent placer une chandelle derrière une boîte de conserve et souffler dans un morceau de tuyau flexible de 3 cm de diamètre. Je ne veux pas induire les élèves en erreur et vous demande votre avis sur le questionnaire que je vais leur présenter :

- Question 1 : Comment peut-on modifier la pression de l'air si l'on souffle devant la boîte de conserve en direction d'une bougie située à 10 cm de celle-ci ?
- Question 2 : Si l'on souffle dans le tuyau en direction de la boîte de conserve, la bougie s'éteindra-t-elle ? Pourquoi ?
- Question 3 : Quelle est la réponse la plus appropriée ? Justifie ton choix.
a) La bougie s'est éteinte parce que la pression de l'air en mouvement autour de la boîte de conserve est supérieure à celle de l'air immobile.
b) La bougie s'est éteinte parce que la pression de l'air en mouvement autour de la boîte de conserve est inférieure à celle de l'air immobile.
- Question 4 : Cette expérience t'aura permis de vérifier s'il est vraiment efficace de se mettre derrière un arbre pour s'abriter du vent. Qu'as-tu découvert ?

Mon 24/06/02 - 14:00
francois.roby@univ-pau.fr

J'aimerais d'abord commenter de façon générale les questions, qui me semblent mal posées et typiques d'un raisonnement "à coloration scientifique" plutôt que réellement scientifique.

En effet, dans une démarche expérimentale il faut se garder d'introduire des interprétations a priori qui vont bien au-delà des observations. Or, ici, l'observation est simple (on souffle, la bougie s'éteint) et la première question introduit déjà la notion de pression de l'air, qui dépasse l'observation.
De plus, l'extinction de la bougie a lieu non pas à cause de la variation de pression de l'air mais à cause de sa mise en mouvement par rapport à la bougie : une bougie brûle tant que la chaleur dégagée par la combustion est suffisante pour maintenir localement une température qui permet à la combustion de se maintenir. Si la bougie est placée dans un courant d'air, la chaleur dégagée est rapidement évacuée et la température de la mèche descend en dessous de la limite permettant la combustion. Bien entendu, si l'on fait le vide (sans courant d'air) autour d'une bougie, elle va s'éteindre mais c'est alors pour des raisons chimiques (il n'y a plus assez d'oxygène) et non physiques. Et les variations de pression qu'on peut obtenir en soufflant dans un tuyau sont, elles, faibles (même en soufflant fort) par rapport à la pression ambiante.
La question 1 n'a donc, à mon avis, pas lieu d'être, et surtout pas avant l'observation. De plus, elle est imprécise (la pression de l'air où ? La bougie est à 10 cm, mais de quel côté par rapport au souffleur?)

La question 2 mérite d'être posée sans le "pourquoi", pour bien faire comprendre aux élèves l'importance de l'observation des faits expérimentaux. La réponse est alors le compte-rendu de l'observation.

La question 3 a le gros inconvénient de ne proposer que deux solutions de nature strictement identique, déjà "prédécoupées" et de type "plus/moins", ce qui n'encourage pas vraiment à la réflexion et fait plutôt ressembler la physique à un jeu de hasard...
De plus elle n'apporte, à mon avis, aucune explication valable. Je pense qu'il vaut mieux se poser plus simplement la question : "pourquoi le courant d'air atteint-il la bougie alors qu'elle est derrière la boîte de conserve ?" (une fois admis que c'est le courant d'air qui éteint la bougie). En d'autres termes, puis-je raisonner avec l'air comme s'il s'agissait de projectiles que je lance à partir du tuyau, ou d'une lumière qui atteint un point en ligne droite (j'oublie les cas plus compliqués où ce n'est pas vrai...) ?
L'expérience montre que non, et doit à mon avis nous faire réfléchir sur notre perception de l'air. Généralement, nous oublions que nous baignons dedans, parce qu'on ne le voit pas, et qu'on le respire sans y faire attention. On ne perçoit l'air que par ses déplacements, quand il y a du vent ou qu'on roule à vélo par exemple.
Mais si nous avons à l'esprit que l'air est une matière (même très peu dense) qui nous entoure, alors il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un mouvement de cette matière provoqué en soufflant dans un tuyau provoque un autre mouvement de cette même matière un peu plus loin, même derrière un obstacle, puisqu'elle remplit tout l'espace : on ne trouve pas étonnant que l'eau continue à couler derrière les piles d'un pont, dans l'"ombre" de ces piles par rapport au courant amont. L'air contourne la boîte de conserve comme l'eau contourne les piles d'un pont, et la bougie peut donc être éteinte par le courant d'air.
Bref, cette expérience me paraît être une bonne mise en évidence de la notion de fluide, et du fait que celui-ci, lorsqu'il est en mouvement, est obligé de suivre les contours des obstacles pour ne pas laisser de vide (à un détail près que je précise ci-dessous) ; mais je ne pense pas qu'il faille parler de pression.

La question 4 n'a en réalité pas de réponse très simple, outre que le phénomène dépend du diamètre du tronc, il dépend aussi de la vitesse du vent.
En effet le type d'écoulement derrière un obstacle (c'est-à-dire la forme des trajectoires des "particules de vent", qu'on peut visualiser par exemple avec de la fumée) dépend de la vitesse. En gros, on peut dire qu'à très faible vitesse le vent "suit" fidèlement les contours de l'obstacle, puis que progressivement il se "détache" sur la partie arrière de l'obstacle où prennent naissance des sortes de tourbillons, qui sont globalement immobiles mais tournent par frottement sur le courant d'air.
A plus forte vitesse encore, ces rouleaux se détachent périodiquement, puis l'écoulement devient turbulent et très compliqué à décrire...
Si on se trouve derrière l'arbre, avec un bon vent, on est dans un écoulement de type turbulent. On n'est donc pas "protégé" au sens où l'air autour de soi n'est pas immobile, mais on est tout de même nettement mieux que de l'autre côté de l'arbre !
En fait les situations où l'écoulement serait symétrique amont/aval (et donc où l'arbre ne protège pas du tout) correspondent à des vitesses d'air ridicules, que l'on ne sent même pas.
Pour visualiser ces différents types d'écoulement, je pense que l'observation des rivières depuis un pont est un bon début : en allant du cours d'eau très calme au torrent, on voit bien que le type d'écoulement n'est pas le même. Et pour visualiser les écoulements très lents, assez difficiles à observer si l'eau est transparente, on peut par exemple jeter des brins d'herbe ou des miettes de pain dans l'eau en amont et suivre leur mouvement.

Il me semble que cette expérience voulait, au départ, mettre en évidence la relation entre la pression et la vitesse d'un fluide qui a été découverte par Bernoulli, et selon laquelle plus le fluide va vite, plus la pression baisse. Ce n'est pas la bonne observation pour cela ; on peut en imaginer d'autres !

jeu 27/06/2002 - 03:01
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