Questions aux experts

Il y a effectivement des points communs entre la démarche MAP et certaines démarches pédagogiques plus anciennes (1).

Plusieurs aspects de la démarche MAP (centration sur l'activité de l'élève, tâtonnement expérimental, rôle du langage, importance des aspects sociaux) étaient déjà présents dans les «méthodes actives» de Célestin Freinet (1896-1966). Ces méthodes de la pédagogie active ont été nourries par les apports de la psychologie constructiviste de Piaget (1896-1980).
La démarche Main à la pâte - initiée sous l'impulsion de Georges Charpak à partir d'observations réalisées aux États-Unis - n'est donc pas une démarche totalement nouvelle, contrairement à ce qui est parfois annoncé de façon un peu rapide. Ce point a bien été mis en évidence dans un rapport établi en 1995 par l'INRP au moment du lancement de l'opération Main à la pâte :
" la pédagogie envisagée dans les documents nord-américains n'est pas fondamentalement différente de celle préconisée en France par ceux qui se soucient depuis fort longtemps des apprentissages scientifiques et technologiques à l'école. Elle s'enracine dans une longue tradition de pédagogie active développée par différents mouvements pédagogiques, différentes associations " (2).

Le rôle du langage dans les apprentissages scientifiques a fait l'objet de nombreuses recherches basées sur une vision constructiviste des apprentissages, notamment celles menées au sein de l'INRP depuis une quinzaine d'années (3).
La prise de conscience de l'importance des activités langagières dans l'apprentissage scientifique n'a donc pas débuté avec le lancement de l'opération Main à la pâte en France. Néanmoins, la mise en place progressive de cette opération depuis 1996 a relancé l'enseignement des sciences dans l'école primaire française et a fait évoluer les pratiques scientifiques scolaires (4).
Cette opération a conduit à l'élaboration de nombreux outils pour les enseignants, notamment avec la mise en place du site internet LAMAP.
C'est probablement l'ampleur des moyens mis à disposition des enseignants et l'existence d'une réelle volonté institutionnelle de modifier les pratiques qui constituent l'originalité de l'opération Main à la pâte.
Contrairement à la " pédagogie Freinet " qui na été mise en place que par une minorité d'enseignants, l'impact de la Main à la pâte semble beaucoup plus large auprès de l'ensemble des enseignants de l'école primaire. Cela entraîne inévitablement une grande diversité de démarches réelles selon la façon dont les différents acteurs s'emparent des mêmes principes généraux.
On peut raisonnablement penser que Freinet ou Piaget se reconnaîtraient au moins en partie dans certaines activités du type Main à la pâte mais ils ne sont malheureusement plus là pour le confirmer.
Joël Bisault
IUFM de l'académie d'Amiens

(1). Pour une présentation « historique » des courants pédagogiques, voir par exemple "Éduquer et former", revue Sciences humaines. Hors-série n° 12. Février 1996.
(2) LARCHER, C. (1995). « Projet d'expérimentation : développement des activités scientifiques et technologiques à l'école élémentaire », rapport sur les expérimentations nord-américaines et leur compatibilité avec le contexte français Paris :INRP.
(3) Par exemple :
VERIN, A. (1988). Apprendre à écrire pour apprendre les sciences. Aster, 6.
et
ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., et VERIN, A. (1991). Compétences méthodologiques en sciences expérimentales. Paris : INRP.
(4) Pour en savoir plus :
LARCHER, C. & SALTIEL, E. (1998). « Le projet La main à la pâte : relancer l'enseignement des sciences à l'école primaire », Bulletin de l'Union des physiciens. Vol. 92 n° 806.