Glaces de méthane, énergie d'avenir ?

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Glaces de méthane, énergie d'avenir ?

Bonjour,

Je viens de voir un reportage sur l'exploitation industrielle des glaces de méthane pour compenser la disparition des énergies non renouvelables. Quel pourrait en être l'impact sur la planète ?

Merci d'avance !

Sun 14/10/12 - 14:47

Bonjour,

Les glaces de méthane (aussi appelées "clathrates de méthane") proviennent du piégeage des molécules de méthane par la glace d'eau. Elles peuvent se former de deux façons :

  • soit par décomposition de corps vivants (végétaux ou animaux) au fond de marais, qui libère des gaz dont certains se feront piéger par la basse température (pergélisols de Sibérie par exemple)
  • soit par libération de gaz volcaniques (failles ou zones de subduction), qui seront piégés par l'eau à haute pression (le pourtour de la Ceinture de Feu, le long du Japon et des Amériques)

Le méthane de ces clathrates est exactement que celui qu'on nomme "gaz naturel", la seule différence étant que ce dernier a été piégé par des roches imperméables, et pas par de la glace.

L'USGS (United States Geological Survey) a publié une estimation des quantités de clathrates potentiellement disponibles, d'environ 10 000 milliards de tonnes (soit le double du stock total de gaz, pétrole et charbon). Miracle ? Peut-être, ou pas tout à fait : ceci est une estimation, une extrapolation basée sur quelques forages, et un taux optimiste de clathrates dans les zones à sonder (combien de clathrates par mètre cube de roches ? quelques dizaines de pourcents ou seulement quelques pourcents ?). Il se pourrait tout à fait que cette estimation soit fausse d'un facteur 10 ou 100 !

La première question qui se pose est la viabilité économique de l'extraction de ces clathrates : comme leur formation dépend de la température et de la pression, il faudrait en permanence (jusqu'à consommation)  maintenir ces conditions drastiques. Il faut aussi forer les fonds marins pour les atteindre, s'assurer qu'il n'y ait aucune fuite (forer, c'est chauffer, mais la chaleur dissocie les clathrates et libère le méthane gazeux), etc... Il faudrait donc dépenser beaucoup de moyens et d'énergie pour aller récupérer cette énergie !

Dans tous les cas, l'impact sur le climat va être négatif, et voici pourquoi :

  • soit le méthane se libère (suite au réchauffement des océans, ou aux fuites lors du forage), et en tant que gaz à effet de serre, il va réchauffer le climat...
  • soit le clathrate est brûlé (comme le gaz naturel), et il libère de l'énergie (youpi) mais il est transformé en CO2... (pas youpi) ; on remplacerait donc tout ce stock de méthane par autant de dioxyde de carbone, lui aussi un gaz à effet de serre...

Je laisse à mes collègues ici présents le soin de préciser si quitte à libérer ce gaz il vaut mieux que ce soit du CH4 ou du CO2 (lequel est le pire ?). Mais à mon humble avis, nous ferions mieux de ne pas y toucher, et de le laisser sommeiller tranquillement...

 

PS : vous aurez de plus amples informations ici

dim 14/10/2012 - 05:08
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eveleigh@agroparistech.fr

Complément à la réponse de M. Hirtzig : on considère que le méthane, en matière de réchauffement climatique, a un effet une vingtaine de fois supérieur à celui du dioxyde de carbone.

dim 14/10/2012 - 04:48
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laurent.pagani@obspm.fr

Le méthane est bien pire que le CO2 comme gaz à effet de serre. Dans le genre "idiot", on pourrait récupérer le méthane lâché par tous les herbivores (vaches, moutons) dont la contribution finit par être substantielle à l'effet de serre. Plus sérieusement, il est à craindre effectivement que le réchauffement ne provoque le lâcher de méthane en grande quantité dans les zones comme la Sibérie.

LP

dim 14/10/2012 - 09:29
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Un complément :
- sur une échelle temporelle d'un siècle, le méthane est 25 fois plus "efficace" que le CO2 (« à quantités égales ») en tant que gaz à effet de serre (*) : sur le plan climatologique atmosphérique, il vaut peut-être mieux brûler ce méthane que le laisser s'échapper. Trois "sous-remarques" : (1) mais peut-on piéger le CH4 des rizières et des élevages, ainsi que celui des sols sibériens gelés se réchauffant ? (2) La combustion du CH4, si elle peut facilement être propre, n'en dégage pas moins des calories, dont il faudrait peut-être aussi estimer l'impact, question à laquelle je ne sais pas même donner un ordre de grandeur. (3) Enfin, la vapeur d'eau est 8 fois plus "efficace" que le CO2… Mais la quantité d'eau dans l'atmosphère est relativement régulée, et fonde l'effet de serre terrestre "fondamental" (celui qui permet d'avoir une température moyenne de la surface de notre planète vers 15°C), alors que le CO2 et encore plus le CH4 sont à des concentrations atmosphériques qui peuvent encore potentiellement croître de façon très importante, d'où leur "dangerosité" en terme de réchauffement climatique ;

Puis une remarque :
« Dans tous les cas, l'impact sur le climat va être négatif ». La bonne question ne me semble pas être juste celle du méthane sans considération des sources d'énergies alternatives. Première interrogation : à satisfaction équivalente d'un besoin en énergie, vaut-il mieux développer une filière méthane et proportionnellement réduire la part des autres sources d'énergie ? Débat devant prendre en compte les aspects : financiers, organisation industrielle, impacts environnementaux, répartition mondiale des ressources, transport (et risques d'accident), etc., bref la /durabilité/ des choix. Seconde interrogation : indépendamment des bilans relatifs entre filières énergétiques, la quantité _totale_ d'énergie offerte ou demandée peut-elle encore croître, doit-elle se stabiliser, voire même décroître ? C'est la question du /développement/. Ces questions autour du développement durable, questions de société et de politique mondiale, me semblent être de 1er ordre, bien avant celles de la critique de telle ou telle type de ressource énergétique, ou du moins a-t-on le devoir de ne jamais les perdre de vue.

-- Éric Lewin, géologue à l'Institut des Sciences de la Terre, laboratoire mixte CNRS - université de Grenoble.

lun 15/10/2012 - 04:30
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Pour compléter rapidement la réponse de Mathieu, en ce qui concerne le pouvoir de réchauffement global du méthane, il est redoutable: environ 24 fois celui du CO2 dans les mêmes conditions... De ce point de vue c'est une "bombe thermique".
De plus continuer à extraire de l'énergie dispense de prendre les moyens de commencer à réduire notre dépendance énergétique, seule voie d'avenir (proche sinon actuel).

V.Bugeat, professeur à l'IUFM/UPEC

lun 15/10/2012 - 10:54
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th.chevallier.pro@icloud.com

Je ne peux qu'approuver ce que dit mon collègue dans ses propos. Dès lors qu'on utilisera des sources d'énergie qui proviennent de décomposition de matière organique (pétrole ou gaz quelque soit sa provenance) on ne réglera pas le problème de l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère lié à la combustion de ces richesses.
Même si on voit dans ces gaz de méthane, une richesse potentielle pour plusieurs siècles, ce n'est surement pas la bonne méthode pour résoudre nos besoins en énergie toujours croissant.

lun 15/10/2012 - 11:41
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