Questions aux experts

Chère Caroline,
D'après les informations que vous me donnez, vous êtes professeur des écoles stagiaire et vous vous interrogez sur des activités sur les cinq sens, en particulier sur le toucher, en tant qu'activités scientifiques. Il me semble que ces activités, chez les jeunes enfants, peuvent être très variées et correspondre à différentes "formes", complémentaires dans une initiation scientifique.

Tout d'abord, il s'agit de "découvrir le monde" : que les jeunes élèves puissent, à travers des activités de manipulation, des activités sensorielles et ludiques variées, vivre pleinement à l'école des "expériences de vie" qui leur permettent de découvrir leur sens. Toutes ces activités, que l'ont pourrait qualifier d'"expérientielles", peuvent compenser un "déficit" de découverte et d'éveil dans l'univers familier et familial de certains enfants peu favorisés, et surtout représenteront une "référence commune" dans la classe, en liaison avec d'autres activités (langage, motricité...).

Avec un domaine "expérientiel" et de "découverte" assez riche, on peut inciter les enfants à "mettre plus en ordre" et à "mettre en mot" ce domaine de sensations. On peut, par exemple, les inciter à trier et à classer (selon différentes qualités ressenties par le toucher par exemple : doux/rugueux, sec/humide... trier des objets qui donnent des sensations semblables). On peut organiser des manipulations plus organisées. Par exemple : rechercher les endroits les plus sensibles de son corps, toucher un objet que l'on ne peut voir, et analyser les différentes sensations (forme, texture, matière, masse apparente...) pour pouvoir trouver quel est cet objet. Ce domaine, que l'on pourrait qualifier "d'empirique", suscite des activités très importantes pour l'initiation scientifique des enfants comme le tri, le classement, la comparaison, l'observation, la description (d'objets et d'informations sensorielles).

Pour les élèves plus âgés, une posture plus "expérimentale" peut être envisagée, c'est-à-dire construire un problème scientifique, envisager des solutions possibles (les "hypothèses") et les mettre à l'épreuve. Il est difficile de se restreindre à la seule expérimentation, en particulier en ce qui concerne son propre corps ou les vivants, et l'observation organisée, l'enquête, la modélisation peuvent représenter autant de "mises à l'épreuve" des hypothèses avancées. Pour les grands enfants de début de cycle 2, les problèmes seront, bien sûr, très simples et pourront prendre la forme de "défis". Par exemple : envisager a priori un classement relatif à la masse apparente d'objets, en argumentant, puis mettre à l'épreuve en "soupesant" et en "comparant" ces objets, puis valider ou non ces propositions en utilisant une petite balance de ménage. On peut aussi constater que nos propositions ne peuvent être validées et que nos sens peuvent nous tromper...

A l'école élémentaire, d'autres problèmes pourront être abordés. Par exemple : enquêter et représenter les endroits de notre corps les plus sensibles au toucher, mettre à l'épreuve sur différents endroits du corps (doigt, paume de la main, coude...) les possibilités de séparer deux sensations différentes (c'est-à-dire, les possibilités de discrimination tactile), comme par exemple les sensations provoquées par les deux bouts d'un trombone plus ou moins écartés...

Je souhaite que les activités que souhaitez mettre en œuvre continuent à susciter curiosité et interrogation, des enfants mais de votre part aussi : ce sont deux piliers pour l'éducation scientifique !

Bonne continuation dans vos projets, Caroline. Bien cordialement.