Comment sont mesurées les distances dans l'univers ?

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Comment sont mesurées les distances dans l'univers ?

Que dire aux élèves pour leur expliquer simplement comment sont mesurées ou évaluées les distances dans l'univers ?

Sat 27/09/03 - 14:00

Voyons tout d'abord comment mesurer les distances dans le système solaire, en commençant par les distances Terre-Lune et Terre-Soleil.

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    La méthode la plus ancienne connue consistait à mesurer langle entre la direction du Soleil et la direction de la Lune au moment dun premier ou dun dernier quartier de Lune, langle Soleil-Lune-Terre est alors égal à 90° et le triangle Terre-Lune-Soleil est rectangle. La connaissance de la distance Terre-Lune étant connue en rayons terrestres, on en déduit une distance Terre-Soleil. Cette méthode est donnée par Aristarque de Samos (310 - 230 av. J.-C.), qui fut l'élève de Straton de Lampsaque et l'auteur du premier système héliocentrique. Aristarque est également l'auteur du traité Sur la grandeur et la distance du Soleil et de la Lune.

    Pour le calcul des distances Terre-Lune et Terre-Soleil, il fait les hypothèses suivantes :
    1 - La Lune reçoit la lumière du Soleil.
    2 - La Terre peut être considérée comme un point et comme le centre de l'orbite de la Lune.
    3 - Lorsque la Lune nous parait dichotome (coupée en deux portions égales), elle offre à nos regards son grand cercle, qui détermine la partie éclairée et la partie obscure de cet astre.
    4 - Lorsque la Lune nous parait dichotome, sa distance du Soleil est moindre du quart de la circonférence, de la trentième partie de ce quart.
    5 - La largeur de l'ombre est de deux Lunes.
    6 - L'arc sous-tendu dans le ciel par la Lune est la quinzième partie d'un signe.
    Comme on le constate, certaines de ces hypothèses sont fausses, l'hypothèse 4 revient à donner à l'angle beta entre le Soleil et la Lune la valeur de 87°. Cette valeur explique son erreur dans le calcul de la distance Terre-Soleil. L'hypothèse 6 donne à la Lune un diamètre angulaire de 2°, valeur quatre fois trop forte. À partir de ces hypothèses, Aristarque va déduire que la distance Soleil-Terre est supérieure à 18 fois la distance Terre-Lune et inférieure à 20 fois la distance Terre-Lune. Il déduit de ces proportions les valeurs suivantes :
    - le diamètre lunaire est inférieur à 2/45 distance Terre-Lune et supérieur à 1/30 distance Terre-Lune.
    - le diamètre solaire est inférieur à 43/6 diamètres terrestres et supérieur à 19/3 diamètres terrestres.
    - le diamètre terrestre est inférieur à 60/19 diamètres lunaires et supérieur à 108/43 diamètres lunaires.

    Remarques : Il convient de remarquer qu'à l'époque d'Aristarque les Grecques n'avaient aucune notion de trigonométrie, les premières tables de cordes sont attribuées à Hipparque. C'est pourquoi Aristarque ne tire pas directement la valeur du rapport des distances Terre-Lune et Terre-Soleil de l'angle b, mais encadre cette proportion grâce à des considérations purement géométriques.
    On trouve dans la littérature et sur le web de nombreux "exemples" de la détermination de la distance Terre-Lune par Aristarque, avec des hypothèques qui sont très variées (ombre cylindrique, ombre de trois diamètres lunaires, diamètre apparent de la Lune égal à 30'....) et utilisant des méthodes trigonométriques. C'est fort dommage car les méthodes géométriques employées par Aristarque sont remarquables et ont un intérêt pédagogique certain.
    On peut consulter, sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale, une version française du Traité d'Aristarque de Samos "Sur les grandeurs et les distances du Soleil et de la Lune" traduite du grec par le Comte de Fortia d'Urban et édité en 1823.
    On trouve dans un passage d'Archimède qu'Aristarque a également utilisé la valeur d'une demi-degré pour le diamètre lunaire, l'usage de la valeur de 2° dans le traité "Sur la grandeur et la distance du Soleil et de la Lune" est parfois présenté comme une valeur hypothétique utilisée par l'auteur dans une démonstration qui se veut plus didactique que physique.

  • Méthodes modernes
    Dans le système solaire, la troisième loi de Kepler nous donne une relation qui relie les demi-grands axes des orbites elliptiques des planètes et leurs périodes de révolution autour du Soleil : le rapport du cube du demi-grand sur le carré de la période de révolution est constant.
    A un instant quelconque, la première loi de Kepler nous permet également de connaître le rapport des rayons joignant le Soleil à deux planètes quelconques, ce rapport sexprime en fonction du rapport des demi-grands axes.
    Les lois de Kepler nous donnent donc la taille du système solaire à un facteur déchelle près. Il suffit donc de connaître une seule distance entre une planète et le Soleil pour connaître toutes les autres.
    Il ne reste plus quà imaginer une méthode pour calculer la distance entre une planète et le Soleil ou entre deux planètes.
    On va utiliser une méthode de triangulation, si on connaît la base dun triangle et deux angles, on en déduit le troisième angle et la longueur des deux autres cotés. Pour cela, on va observer depuis la Terre, en des lieux présentant la plus grande base possible, une planète à linstant où elle se trouve le plus près possible de la Terre, par exemple Mars en opposition. Les mesures angulaires sont faites sur fond détoiles. La différence angulaire observée dans la direction de la planète depuis les deux lieux sur Terre est égale à langle sous lequel on voit la base séparant les deux lieux depuis la planète, cet angle porte le nom de parallaxe.
    Les premières mesures de la parallaxe de Mars datent de 1672, elles sont luvre de Cassini et Richer observant depuis Paris et Cayenne.
    En 1677, E. Halley imagine une nouvelle méthode basée sur la mesure des passages de Mercure et surtout de Vénus devant le Soleil. Cette méthode donne la différence de parallaxe entre la planète (Mercure ou Vénus) et le Soleil. Les observations des passages de Vénus de 1761, 1769, 1874 et 1882 permirent daméliorer la connaissance de la parallaxe solaire donc la taille du système solaire. La parallaxe solaire horizontale moyenne est denviron 8,79 secondes de degré.
    Parallèlement, on va continuer de mesurer la parallaxe de Mars à ses oppositions, auxquels viendront sajouter les mesures de parallaxes dastéroïdes passant près de la Terre : Flora en 1875 puis Éros en 1900 et 1941.
    Un coup de grâce sera donné à ces méthodes avec lapparition de la mesure directe des distances à laide du radar ; faisant gagner un facteur mille en précision.
    Il convient également de signaler lusage dautres méthodes, liées à la dynamique, pour mesurer les distances, notamment létude des perturbations sur la trajectoire de la Lune qui dépendent des distances des corps perturbateurs. La distance des étoiles proches : la parallaxe stellaire.
    On va reprendre la même méthode de parallaxe pour mesurer la distance des étoiles les plus proches. Mais on va prendre pour base dobservation le grand axe de lorbite terrestre. On observe la même étoile à six mois dintervalle, la variation angulaire nous donne la parallaxe de létoile et sa distance à la Terre.
    Les étoiles étant très lointaines, leurs parallaxes sont très faibles et il faudra attendre longtemps avant darriver à mesurer une parallaxe stellaire. La première mesure est due à Bessel en 1837 avec létoile 61 du cygne, la parallaxe de cette étoile est de 0.313 seconde de degré. Cette méthode de mesure va donner lieu à la création dune nouvelle unité de distance : le parsec (abréviation de parallaxe seconde), cest la distance dune étoile doù lon voit le demi-grand axe de lorbite terrestre sous un angle de 1 seconde de degré. Un parsec vaut environ 3,26 années lumières.

     

     

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    Les distances par la physique La mesure des parallaxes stellaires marque la limite des mesures astrométriques des distances; pour aller plus loin, on doit utiliser les propriétés physiques des étoiles. Dans notre galaxie Lidée de base est la suivante : léclat apparent (la magnitude) dune étoile est fonction de son éclat absolu (magnitude absolue) et de sa distance. Donc, la mesure de léclat apparent dun astre permet de déterminer sa distance, si lon connaît par ailleurs son éclat absolu.
    Au début du XX siècle, deux astronomes Hertzsprung et Russell ont découvert que les caractéristiques spectrales dune étoile dépendent de son éclat absolu. On a dont une méthode pour connaître léclat absolu dune étoile à partir de ces caractéristiques spectrales, puis sa distance. La distance des objets extragalactiques.
    Pour sortir de notre galaxie et mesurer les distances des autres galaxies, on utilise les propriétés physiques de certaines étoiles variables (les céphéides). En 1908, Miss Leavitt avait constitué un catalogue détoiles variables présentes dans le petit nuage de Magellan. Pour un petit nombre de ces étoiles, elle avait suffisamment dinformations pour calculer la période de variation de ces étoiles, et elle constata que plus la période était longue plus létoile était brillante. Il y avait donc une relation mathématique entre la période et la magnitude apparente des céphéides. Elle venait de découvrir un nouveau moyen de calculer les distances. Pour cela il suffisait de calibrer la relation liant la variation de létoile à sa magnitude apparente pour une étoile céphéide proche dont on connaît la magnitude absolue et de faire lhypothèse que toutes les céphéides dune galaxie sont sensiblement à une même distance de la Terre. Ce calibrage fut fait de nouveau par Hertzsprung et publié en 1913. Le petit nuage de Magellan était à 30 000 années lumière. Peu de temps après, on utilisa dautres étoiles variables : les RR-Lyrae, cela permis de donner la bonne distance du petit nuage de Magellan : 190 000 al. Ici sarrêtent mes compétences dans ce domaine.
ven 03/10/2003 - 03:01
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Cette question est extrêmement importante car l'univers, qui a 3 dimensions d'espace, nous apparaît projeté sur la voûte céleste, qui n'a que 2 dimensions spatiales. L'ignorance de la distance d'un astre est fâcheuse car elle empêche d'accéder aux quantités intrinsèques de l'astre (taille, luminosité, etc.). On peut se rendre compte du problème en tenant une lampe de poche à bout de bras. elle apparaît plus brillante qu'un lampadaire dans le lointain, sans être réellement plus brillante ou plus grosse que l'ampoule du lampadaire. De même, de deux étoiles de luminosité apparente différente, la plus grosse est-elle celle qui apparaît la plus brillante ? Quelle est réellement la plus brillante ? Sans connaître leurs distances, impossible de répondre à ces questions. Comment procède-t-on pour déterminer les distances de la plupart des objets de l'univers ? En construisant une "échelle des distances"...

  • La première méthode, la seule estimation directe des distances, se fonde sur la mesure de la parallaxe d'une étoile, c'est-à-dire l'angle sous lequel le diamètre de l'orbite du Soleil est vu depuis l'étoile. Plus cette angle est petit, plus l'étoile est lointaine. La première mesure de parallaxe fut effectuée par Bessel en 1838 sur létoile 61 de la constellation du Cygne. Les deux étoiles les plus proches de nous ont des parallaxes de 0,765 seconde de degré (Proxima du Centaure) et de 0,754 seconde de degré (alpha du Centaure). A quelle distance cela correspond-il ? Pour les distances stellaires, le mètre est une unité peu appropriée. Il est dusage dutiliser deux unités plus pratiques. Lune est dorigine physique. Cest lannée-lumière (a.l.) qui est tout simplement la distance parcourue par la lumière en un an à la vitesse de 300 000 km/s. Doù 1 a.l. = 9,45 millions de milliards de mètres. Lautre est dorigine géométrique. Cest le parsec (pc) qui est la distance dune étoile dont la PARallaxe serait de une SEConde de degré. Doù 1 pc = 30,9 millions de milliards mètres = 3,26 a.l. Proxima Centauri est située à 1,326 pc.
  • La méthode des parallaxes a une portée limitée, de l'ordre de quelques centaines de parsecs avec les méthodes modernes. Pour mesurer des distances plus grandes, on utilise certaines propriétés remarquées dans l'échantillon d'étoiles dont on a mesuré directement la distance. Par exemple, les étoiles variables (étoile dont la luminosité varie périodiquement) de type céphéides (du nom de delta de la constellation de Céphée, la première découverte). Dans les années 1910, Henrietta Leavitt remarqua que ces étoiles possédait une propriété intéressante : leur période de variabilité est reliée à leur luminosité intrinsèque (que l'on a déterminée pour les plus proches car leur distance a été mesurée) ! Du coup, mesurer la période d'une céphéide permet de connaître la luminosité intrinsèque et, mesurant aussi la luminosité apparente (vue depuis la Terre), on peut déterminer la distance (le rapport entre la luminosité apparente et la luminosité intrinsèque est proportionnel à l'inverse du carré de la distance). Cette méthode fut appliquée pour déterminer la distance des galaxies proches, pour lesquelles les puissants télescopes pouvaient voir les céphéides individuellement. Les distances obtenues sont beaucoup plus considérables que pour les étoiles. Quelques exemples : Grand Nuage de Magellan 52 kpc (kpc = kiloparsec = 1000 parsecs), Petit Nuage de Magellan 63 kpc, Galaxie dAndromède (M31) 670 kpc, Galaxie du Triangle (M33) 730 kpc, M81-M82 (Grande Ourse) 3000 kpc, Galaxie du Sombrero (Vierge)12000 kpc. Pour mesurer la distance de galaxies plus lointaines, il faut utiliser d'autres "chandelles standards" (cest-à-dire d'autres objets dont la luminosité intrinsèque est connue) comme les supernovae. On atteint ainsi des distances de l'ordre de 1000 Mpc (mégaparsec ou un million de parsecs).
  • En 1929, Edwin Hubble remarque que toutes les galaxies semblent s'éloigner de nous. Cette observation est interprétée comme une expansion de l'univers. Hubble réussit à montrer que vitesse d'éloignement et distance d'une galaxie lointaine sont proportionnelles. On utilise cette loi pour déterminer la distance des galaxies lointaines : en mesurant leur vitesse d'éloignement (par spectroscopie) on obtient la distance pourvu que l'on ait calibré la loi de Hubble sur des galaxies pas trop éloignées.

    Il existe encore beaucoup d'autres méthodes de détermination des distances, dont plusieurs peuvent s'appliquer à un même objet. Cela permet d'obtenir plusieurs mesures qui, idéalement, sont compatibles !

    Bilan de tout cela :
    1. Dans l'univers les distances se déterminent par étapes successives, du plus proche au plus lointain.

    2. Toutes les mesures de distances sont, in fine, fondées sur celles des étoiles les plus proches, les seules que l'on peut déterminer directement.

    3. Voir loin dans l'espace, cest voir loin dans le temps car la vitesse de la lumière est grande mais finie (300 000 km/s).

  • jeu 02/10/2003 - 03:01
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