A propos d'une expérience qui ne fonctionne pas avec les enfants

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A propos d'une expérience qui ne fonctionne pas avec les enfants

Bonjour,
Je suis conseiller pédagogique à Bobigny en Seine Saint Denis et j'organise une rencontre sur le thème de La main à la pâte dans un stage de liaison CM2/6e. Nous organisons avec les collègues une manip Lamap et nous avons besoin de votre aide. Nous présentons une bouteille avec un entonnoir hermétique à l'air grâce à de la pâte à modeler, expérience que l'on trouve dans les bouquins de manip pour les enfants et qui ne fonctionne pas habituellement. Nous avons construit une dizaine de dispositifs avec des bouteilles en plastique et des pots en verres, des entonnoirs de différentes formes.
Seul un petit pot de bébé avec un entonnoir de taille adapté fonctionne. Les bouteilles de 1,5 litre d'eau avec des entonnoirs de différentes tailles ne fonctionnent pas. Le dispositif du petit pot de bébé est remplacé par un pot en verre qui supporte le même couvercle mais qui est plus grand, ça ne fonctionne plus. Nous souhaitons mettre des adultes en confrontation avec leur savoir et une situation problème à résoudre, faire varier les paramètres: forme, taille, matériau...

Or il nous faudrait un arbitrage de votre part:
- le dispositif ne fonctionne pas car
- la plastique de la bouteille est mou il se dilate
- les entonnoirs sont étudiés pour laisser s'échapper l'air donc pour admettre l'écoulement (forme en cône tronqué)
- le volume d'air n'est pas assez "fort" pour contenir la masse de l'eau
- l'équilibre ne peut se faire que lorsque le volume d'air et celui d'eau sont égaux
- la connaissance des principes physiques montre que cette notion est fausse
- quand on réduit le goulot des entonnoirs avec un bouchon de pâte à modeler traversé par un morceau de paille (réduction du passage d'eau), le dispositif fonctionne bien. Comment cela s'explique-t-il?
- la réduction du volume d'eau pouvant passer permet à un autre principe physique de s'appliquer
- un goulot vertical suffirait-il à faire fonctionner le dispositif
- la résistance superficielle de l'eau suffit-elle à contenir un volume d'eau d'1/3 de litre pour passer dans une paille
- l'explication de l'air comprimé et de la résistance superficielle de l'eau s'additionnent-t-elle?
J'espère que vous pourrez répondre à notre question ( car vous savez certainement) et que vous pourrez nous donner l'explication physique théorique ( assimilable pour des instits et des profs de SVT de collège) pour conclure qu'en fait savoir et ne pas savoir pose autant de problème dans les expériences de Lamap. Merci

Sun 22/10/00 - 14:00

C'est avec plaisir que je répondrais à vos questions si je les comprenais. Malheureusement, vous faites allusion à une manip qui ne marche pas, sans me dire un mot de cette manip. Hormis le fait qu'il y a des bouteilles et des entonnoirs, je ne suis pas arrivé à deviner ce qui était censé se passer. J'ai bien compris qu'avec un pot de bébé, ça marche, mais c'est la seule information positive que je suis arrivé à intercepter.
Pourriez-vous me donner les références des livres de manips auxquels vous faites allusion, et m'expliquer de quelle façon la manip marche ou ne marche pas, ce dernier cas étant en général plus intéressant que le premier? Je reste à votre disposition.

lun 23/10/2000 - 03:01
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Désolé d'avoir été si peu clair! Il s'agit de verser de l'eau dans un entonnoir fixé sur une bouteille ou un autre contenant à travers le bouchon qui est percé. De façon à ne pas avoir d'appel d'air le bouchon est entouré de pâte à modeler. Dans les livres de vulgarisation pour enfant cela est censé expliquer que l'air existe, l'eau ne pouvant s'écouler de l'entonnoir à l'intérieur de la bouteille à cause de l'air qui se comprime. Or malgré de nombreuses tentatives ce dispositif ne fonctionne que très rarement. Nous réussissons à le faire fonctionner avec un petit pot de bébé, seulement avec un pot supportant le même bouchon mais plus grand cela ne fonctionne plus. En réduisant le diamètre du goulot avec une paille entourée de pâte à modeler le système fonctionne. Dans tous les cas si nous renversons la bouteille l'eau qui est à l'intérieur ne s'écoule pas. Par analogie avec des situations de la vie courante (remplir un tonneau de vin avec un entonnoir ou en tirer du vin sans ouvrir une prise d'air il me semble qu'en théorie l'eau ne devrait pas couler dans la bouteille, or le plus souvent elle coule). Je vous remercie par avance de vos explications.

lun 23/10/2000 - 03:01
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Merci de votre promptitude à m'affranchir sur cette petite manip que je juge personnellement assez anti-pédagogique, en particulier à cause des risques d'échec qu'elle comporte. Si on analyse physiquement les forces en présence au niveau du ménisque pour empêcher l'écoulement, on a d'une part une force dirigée vers le bas, due à la pression de la colonne d'eau + la pression atmosphérique, d'autre part une force dirigée vers le haut due à la pression de l'air intérieur + la force de capillarité liée à la tension superficielle de l'eau. Tant qu'aucune goutte d'eau n'est tombée dans la bouteille, les forces de pression de l'air s'équilibrent et seule la force capillaire peut empêcher l'eau de couler. L'exemple du compte-goutte montre que cette force ne peut guère retenir une colonne d'eau de plus de quelques millimètres. Il faut donc qu'un peu d'eau commence à s'écouler pour que l'air de la bouteille soit comprimé et que sa pression augmente. Malheureusement, dès que l'eau commence à couler, la situation n'est plus "statique" et, en particulier, l'écoulement risque de devenir tourbillonnaire, avec apparition d'un vortex dans l'axe de l'entonnoir. Dès que celui-ci se forme, il apparaît un canal vide au centre de l'écoulement, par où l'air s'échappe et la bouteille se remplit. Pour empêcher ce vortex d'apparaître, il faut une ouverture très petite, ce qui est bien ce que vous faites quand vous diminuez le diamètre de l'entonnoir à l'aide d'une paille. On peut aussi le contrarier en augmentant la viscosité du liquide, soit en remplaçant l'eau par de l'huile, soit en ajoutant de la glycérine dans l'eau. Enfin, si le récipient inférieur est très petit, l'augmentation de pression par arrivée d'eau est très rapide et peut arriver à la valeur d'équilibre avant que le vortex ne se soit formé. C'est sans doute le cas du pot de bébé. Donc, recette pour réussir à coup sûr : tout petit récipient, entonnoir à très petite ouverture et un minimum d'eau versé dans l'entonnoir. Recette pour rater à coup sûr : vous la connaissez, grande bouteille et entonnoir à gros trou. Le côté amusant de la manip consisterait à faire évoluer les paramètres pour passer de la manip qui rate à celle qui marche. J'espère ne pas vous avoir trop assommé!

mar 24/10/2000 - 03:01
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Je vais essayer de vous répondre après avoir fait quelques manips. Apparemment, d'après tout ce que vous avez fait, il me semble qu'il y a plusieurs paramètres :
1) le diamètre du goulot de l'entonnoir : il faut réduire celui-ci pour que l'expérience fonctionne.
2) Le volume d'air dans le récipient inférieur (petit pot, bouteille, etc.). Si l'on réduit ce volume, l'expérience fonctionnera (ex : avec le petit pot).

Je réponds tout d'abord à quelques questions :
> Le dispositif ne fonctionne pas car :
> - le plastique de la bouteille est mou il se dilate
Essayez de souffler dans une bouteille de plastique pour la gonfler, si vous y parvenez, c'est que son volume peut facilement augmenter...
Si vous voulez que la bouteille se dilate, il faut en effet que le plastique devienne mou, pour cela il faudrait chauffer...

> Le dispositif ne fonctionne pas car :
> - les entonnoirs sont étudiés pour laisser
> s'échapper l'air donc pour admettre l'écoulement
En effet, certains entonnoir ont des petits "picots" sur leur face extérieure, à l'endroit où ils se posent sur le goulot de la bouteille pour que l'air puisse sortir par l'extérieur de l'entonnoir pendant que l'eau passe par l'intérieur.
Mais ici nous mettons de la pâte à modeler pour boucher cela, donc ils ne sont plus "étudiés pour" !!
>- l'équilibre ne peut se faire que lorsque le volume d'air et celui d'eau sont égaux. Non, L'équilibre se fait lorsque la pression exercée par l'eau au-dessus est égale à la pression exercée par l'air au dessous.
J'en profite pour faire un petit point sur la pression : La pression de l'air dans le bouteille est uniforme en tout point : c'est-à-dire que l'air pousse autant sur le bas de la bouteille que sur l'eau qui essaye de rentrer par le goulot de l'entonnoir.
La pression dans l'eau par contre n'est pas uniforme, c'est comme quand on plonge, plus on s'enfonce plus la pression est forte, elle est donc plus forte en bas qu'à la surface. (le même phénomène existe aussi pour l'air bien sur, mais l'air étant beaucoup plus léger - 1 m3 d'air = 1,3 kg, 1 m3 d'eau = 1000 kg - on ne ressent le poids de l'air que sur de grandes variation d'altitude (au moins cent mètres..).

Donc s'il y a équilibre, la pression de l'air dans la bouteille est égale à la pression de l'eau en bas.
> - le volume d'air n'est pas assez "fort" pour contenir la masse de l'eau.
Ce n'est pas le volume qui est fort mais la pression du gaz qui peut l'être. La question serait plutôt : la pression de l'air n'est pas assez forte pour contenir la masse de l'eau. En tout cas ce n'est pas en rajoutant du volume que l'on va augmenter la force de l'air.
Essayons maintenant de faire une explication du phénomène.
Quand vous mettez de l'eau dans une bouteille avec un entonnoir, vous essayez de "pousser" l'air qu'il y a dans la bouteille avec de l'eau au dessus.
C'est un peu comme si vous essayiez, en prenant une seringue "vide" (enfin, pleine d'air...) avec sa sortie bouchée, de comprimer l'air en poussant avec le piston de la seringue.
Dans votre cas vous voulez comprimer l'air en "poussant" avec de l'eau, avec la seringue on pousse avec le piston.
Est-ce clair jusqu'ici ?
Je continue...

Donc revenons à la seringue, qu'est ce qui se passe si je pousse ?
Au début c'est facile : 1ère information : l'air se comprime facilement si on essaye de réduire un peu son volume.
Ensuite c'est plus difficile, j'arrive en gros à réduire le volume d'air de plus de la moitié en poussant fort.
Qu'est ce que je conclus ? Si j'essaye de comprimer de l'air, c'est facile au début, plus difficile à la fin (cela nous servira plus tard...).
Revenons à la bouteille et l'entonnoir. Mon problème c'est de pousser l'air avec de l'eau, tout en faisant en sorte que l'air ne remonte pas !

1ère difficulté : il faudrait parvenir à mettre l'eau bien à l'horizontale (comme le piston) pour pousser l'air, mais celle-ci ne se laisse pas faire ! Imaginons quand même que l'on y arrive, l'eau n'est pas aussi dure que le piston en plastique de la seringue ! l'eau est "molle" et un objet peut la traverser (d'où l'expression : un coup d'épée dans l'eau...) mais ici c'est l'air qui va traverser l'eau, comment ? en faisant une bulle... voire même plusieurs bulles... Qu'est-ce donc qu'une bulle ?
C'est de l'air, entouré d'eau, mais c'est de l'air qui a une pression supérieure à celle de l'eau qui l'entoure... tout ça à cause de cette foutu tension superficielle ! la paroi intérieure de la bulle est une limite eau-air, comme à la surface de l'eau, il y a donc une tension superficielle qui entoure la bulle. Une bulle dans l'eau c'est un peu comme un ballon de baudruche dans l'air, la pression à l'intérieur du ballon est supérieure à la pression extérieure, c'est le caoutchouc du ballon qui comprime l'air qu'il y a à l'intérieur.
La tension superficielle de l'eau - telle une membrane en caoutchouc - comprime elle aussi l'air à l'intérieur de la bulle. La pression à l'intérieur de chaque bulle n'est pas identique, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est dans les plus petites bulles que la pression est la plus forte. Il faut donc apporter plus de pression pour faire une petite bulle que pour faire une grosse bulle.
Essayons de nous convaincre de cela par l'observation :
1) Quand une petite bulle rencontre une grosse bulle (vous avez tous déjà vu cela, ne serais-ce qu'à la surface de votre bol...), les 2 bulles "coalescent" et n'en forment plus qu'une, c'est la petite qui se "vide" dans la grosse.
Pourquoi ? Parce que la pression à l'intérieur de la petite est plus forte. Si c'était le contraire, ce serait la grosse bulle qui se "viderait" dans la petite, jusqu'à ce qu'il y ait équilibre, il se formerait alors 2 bulles de taille moyenne... si vous observez cela, prenez vite une photo, le prochain prix Nobel est pour vous !
2) Faisons une petite manip pour nous convaincre....
Prenons 2 tuyaux très fin (genre "scoubidou") d'une longueur de 15 cm env., et agrandissons l'orifice du deuxième tuyau, en y fixant (avec la fameuse pâte à modeler) un petit bout de paille (long 1 cm), d'un diamètre largement supérieur. Mettons maintenant ces 2 tuyaux dans la bouche d'un coté, et au fond d'un grand verre d'eau de l'autre, un des tuyaux va nous faire des petites bulles, l'autre des grosses.
Si l'on souffle très doucement et en augmentant la pression progressivement, on remarquera que ce sont les grosses bulles qui commencent à se former avant les petites. Il faut donc plus de pression pour former une grosse bulle qu'une petite. Bon, et maintenant, tout ce détour sur les bulles, à quoi cela nous mène ?
Nous avons vu que notre expérience (de l'entonnoir et la bouteille) fonctionne mieux si l'on diminue le diamètre du goulot de l'entonnoir. Si le diamètre du goulot de l'entonnoir est grand, des grosses bulles pourront se former, il suffira donc de peu de pression à l'air pour traverser l'eau...
Si le diamètre du goulot est plus petit, la taille maxi des bulles sera égale à ce diamètre, si l'air veut traverser l'eau, il faudra donc qu'elle crée des petites bulles, donc qu'elle ait une forte pression, et cela est plus difficile donc l'eau restera bloquée au dessus. NB : Pour faire passer l'air il faudrait augmenter sa pression, pour cela il faudrait augmenter la pression de l'eau au dessus.
Maintenant essayons de comprendre le deuxième paramètre : si le volume d'air diminue (le petit pot de bébé), cela fonctionne. Il n'y a pas beaucoup d'air dans le petit pot de bébé, donc à peine essaye-t-on de le comprimer que celui-ci devient "dur", il retient donc l'eau avant même qu'elle puisse sortir du goulot de l'entonnoir.
Dans une grande bouteille, ce n'est pas pareil, la descente de l'eau dans le goulot de l'entonnoir pousse très peu d'air en rapport avec le volume de la bouteille, la différence de pression à l'intérieur est donc faible et ne suffit pas à la retenir : l'eau commence à couler, et c'est là que çà commence à se gâter...

Logiquement, au bout d'un moment cela devrait s'arrêter... Mais une eau qui coule est beaucoup plus "vulnérable" car elle ne se présente pas bien droit comme si elle était entouré d'un tube, elle présente à l'air une grande surface (un cône avec la pointe en bas) elle peut donc facilement se faire traverser par l'air. De plus, dès que l'air commence à traverser, cela crée un courant turbulent dans l'eau, sa surface est donc constamment en mouvement (des creux et des bosses), et l'air profitera d'un creux pour s'y engouffrer... J'en reviens au petit pot : l'eau reste dans le goulot de l'entonnoir, donc offre une surface plus petite à l'air et ça bloque !

jeu 08/02/2001 - 02:01
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