Questions to the experts
Matière et matériaux
L'eau tiède gèle-t-elle plus vite que l'eau froide ?
Dans le cadre d'une étude sur les états de la matière, un élève a affirmé "de l'eau tiède gèle plus vite que de l'eau froide". Nous avons beaucoup discuté puis essayé d'imaginer une expérience qui montrerait si c'est vrai ou faux, mais trop de paramètres à maîtriser et une surveillance pas assez soutenue du bac à glaçons ne nous ont pas permis d'aboutir à un résultat. Que puis-je donc leur raconter ?
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Voici quelques éléments supplémentaires dans l'affaire de l'eau se congelant ......
Il est bien connu que l'énergie qui est nécessaire aux changements d'état de la matière est bien supérieure à l'énergie requise pour en modifier la température. Suivant ce principe, je me suis dit que la différence entre les énergies qu'il fallait échanger pour congeler l'eau froide et l'eau chaude n'était peut-être pas si importante qu'on peut le penser à priori.
J'ai eu quelques difficultés à trouver les données thermochimiques dans les tables classiques de la littérature, car celles-ci ne contiennent pas les données pour la glace, ce qui m'a beaucoup surpris. Néanmoins, je me suis souvenu que ce genre de données étaient utilisées dans les exercices de Lycée et qu'on devait bien les trouver quelques part...
Internet m'a livré la réponse : la capacité calorifique massique de l'eau est égale à 4 185 J/Kg.K. Sa chaleur latente de fusion est égale à 334 000 J/Kg
J'ai trouvé ces données à l'adresse suivante : http://perso.club-internet.fr/pcampio1/devoir1s/ex9/ex9.htm
Et je les ai comparées avec les données des adresses suivantes : http://www.univ-tln.fr/~fst/archive/9900/P319900.doc.html et http://www.ifrance.com/scientix/devoirs/p016.htm
Si je fais le calcul, je trouve que faire passer 1 litre d'eau de 40 °C à 0°C requiert l'échange de 167 400 J. De même, faire passer 1 litre d'eau de 20 °C à 0°C requiert l'échange de 83 700 J. Soit une différence de 83 700 J. La congélation de ce même litre d'eau (passer de 1 litre d'eau à 0 °C liquide à 1 litre d'eau à 0 °C solide) requiert l'échange de 334 000 J.
Si on fait le bilan :
La congélation de l'eau à 20 °C ne consomme donc que 17 % d'énergie en moins qu'une eau deux fois plus chaude.
Ce raisonnement montre que la quantité d'énergie à échanger est bien supérieure pour l'eau chaude que pour l'eau froide, ce qui correspond bien à ce qu'on trouve de manière intuitive, mais que la différence n'est pas si importante que l'on pourrait le supposer... Donc, si on suit ce raisonnement jusqu'au bout, l'eau chaude doit bien se congeler plus lentement que l'eau froide.
Mais alors, pourquoi peut-on observer le contraire dans certaines conditions ?
C'est certainement parce que ce raisonnement ne prend pas en compte tous les aspects du problèmes (évaporation plus rapide pour l'eau chaude, qui consomme beaucoup d'énergie, mouvements de convection, vitesses de transfert de chaleur différentes suivant la température...) et que la différence d'énergie étant faible, ce n'est peut-être pas celle-ci qui va gouverner la différence de vitesse du phénomène.
Du point de vue pédagogique, cela est intéressant, car on montre qu'un raisonnement scientifique est forcément limité par les approximations que l'on est amené à faire. La science essaye de "modéliser" et de "mathématiser" une réalité complexe. Tous les calculs que l'on peut faire ne resteront qu'un modèle que la réalité ne suivra pas forcément...
Dans le cas qui nous intéresse, nous nous sommes arrêtés à une description purement thermodynamique du phénomène qui, par définition, ne prend pas en compte la cinétique du problème. La question initiale portait sur la vitesse de congélation, rappelons-le...
Je pense que l'explication de l'institutrice est fort bonne : expliquer aux enfants qu'un raisonnement scientifique ne doit pas être pris comme le reflet d'une réalité qui bien souvent est très complexe. Ici, si on réalise l'expérience de 10 façons différentes, on pourrait bien trouver des résultats complètement contradictoires, car on ne maîtrisera pas tous les aspects de la réalité du phénomène.