Questions to the experts
Monde construit par l'homme
Quelle démarche autour d'une fiche technique en cycle 1 ?
La lecture d'une fiche technique vous paraît-elle judicieuse en cycle 1 et comment aborder et réaliser cette démarche ?
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La notion même de "fiche technique" doit tout d'abord être explicitée.
Ce type de document, issu du monde de la production, décrit une série d'actions : celles d'une procédure de fabrication déterminée par un expert, et qu'un ouvrier spécialisé doit effectuer pour obtenir un produit exactement conforme à l'attendu.
Ce préalable étant posé, on perçoit mieux ses caractéristiques, et son champ d'action possible à l'école peut être défini :
Elle met l'élève en situation d'exécutant. L'utilité de l'objet, les contraintes de la fabrication, le choix des techniques, l'adéquation des outils, les caractéristiques des matériaux, l'évaluation de la fonctionnalité du produit, et même la mise en projet de l'enfant sont, à tout le moins, mises entre parenthèses si la fiche technique reçue est son seul guide. Le rôle social qui lui est alors assigné est celui d'un docile ouvrier en quête de conformité. La recherche en pédagogie montre que ce type de contrat a des répercussions (fâcheuses) sur d'autres attitudes et sur le rapport de l'enfant au savoir. La recherche en didactique a montré que dès la petite section de la maternelle il est au contraire possible de développer des attitudes bien plus riches et plus actives
Elle garantit, si elle est de qualité, un résultat fonctionnel. La qualité à en attendre est alors une adéquation parfaite aux capacités motrices et cognitives du public visé, ainsi que l'utilisation bien organisée de matériaux et d'outillages adaptés et abordables dans le cadre d'une classe ordinaire. Ces conditions sont nombreuses mais impératives. La technologie de l'école est plus ou moins issue de celle du collège, qui est elle-même globalement référée à un système de production industrielle et de commercialisation. L'organisation qui fait sens lorsqu'il s'agit de produire dans une usine un million de couches-culottes par mois pour les vendre ne se transfère pas automatiquement lorsqu'on veut développer des savoirs et des attitudes actives chez des enfants du primaire. Il y a lieu, plus qu'ailleurs peut-être, de TRANSPOSER les pratiques auxquelles on réfère, pour n'en garder que ce qui est pertinent : la maîtrise de l'Homme sur la matière, l'intérêt de l'anticipation et de la communication.
Elle peut être le support d'un projet communicationnel très motivant.
Après avoir lutté, individuellement et collectivement, pour résoudre des problèmes de tous ordres (anticipation, choix, fabrication, essais) des enfants peuvent légitimement souhaiter développer une activité métacognitive sur cette expérience, et sont souvent heureux de pouvoir partager leur expérience toute fraîche. Ils pourront alors produire du discours improvisé ou rédigé, du texte écrit, un petit document vidéo soigneusement préparé, ou même, plus en phase avec le siècle, un document multimédia (texte, images et sons) qui figurera dignement sur un site accueillant. Ils donneront ainsi une dimension supposée internationale (mais certainement au moins familiale...) à cet acte de communication.
Produire un document technique de ce type est à la fois un acte de langue et une construction personnelle de ce qu'est la communication technique, avec ses exigences de résultat et ses contraintes de représentation. Cela permet ensuite d'en aborder d'autres avec l'éclairage et le recul nécessaires. De nombreuses fiches de bricolage foisonnent en effet d'imprécisions, d'erreurs et d'impossibilités et il est utile d'en avoir soi-même produit pour savoir les relativiser.
Le document technique en général doit donc, à l'issue d'une scolarité primaire, apparaître comme un élément transactionnel et transitoire qui permet de communiquer certaines informations sur un sujet donné. S'il est au contraire utilisé et présenté comme la paire de rails qui permet à tous les trains successifs de suivre immuablement le même trajet jour après jour, il induira des schèmes de fonctionnement cognitif discutables, et de plus donnera du monde de la technique une image fausse car trop locale, trop spécialisée, trop centrée sur l'exécution, trop ancienne à l'heure des ateliers flexibles et de la Conception et Fabrication Assistées par Ordinateur.
Ces préalables étant posés, la "fiche technique" peut être utilisée au cycle I, de façon critique, autant pour développer l'autonomie des élèves que pour libérer l'enseignant(e) qui pourra se consacrer à d'autres ateliers dans le même temps. Cette fiche devra, cela va sans dire, être adaptée à leurs capacités de lecture, tout en leur donnant l'occasion de les enrichir et de se bâtir un langage commun allant dans le sens de leur scolarisation ultérieure.
Une façon de donner à cet objet un statut accessible consiste à le rendre modulaire : il est commode d'utiliser des carte-images décrivant les fournitures, le matériel à utiliser et les actions, que l'on dispose sur un tableau à poches. L'enseignant(e) peut alors rapidement créer une "fiche" à suspendre dans le coin bricolage, en expliquant sa genèse, ou demander à des élèves, à l'occasion d'une séance de langage instrumentée, de la composer eux-mêmes en la mimant, qu'il s'agisse de la fabrication d'un culbuto ou de celle d'une salade de fruits.
La fiche technique est utilisable et utile à la maternelle.
Elle doit être très graphique.
Elle peut être modulaire.
Elle doit garder sa place : une entrée possible parmi un éventail d'approches de la technicité comme composante du rapport de l'Homme au monde des objets.