Faites un don dès maintenant et devenez acteur d’un futur éclairé par les sciences !
Questions to the experts
Ciel, Terre, Univers
Comment déterminer le rayon de la Lune lors des éclipses ?
Comment déterminer le rayon de la Lune lors des éclipses ?
Calculer la valeur précise du rayon lunaire est un peu compliqué. Cependant, il existe une méthode géométrique simple qui permet d'en calculer une valeur approchée. Cette méthode fut trouvée par Aristarque de Samos (-310 à -230 avant JC).
Aristarque supposait que l'ombre de la Terre forme un cylindre, dans lequel pénètre la Lune lors des éclipses totales de Lune (en réalité, c'est un cône et pas un cylindre, car le Soleil n'est pas infiniment loin). Une éclipse totale de Lune dure au maximum 2 heures, lorsque la Lune traverse le cylindre selon son diamètre. La distance parcourue par la Lune, dans l'ombre de la Terre, vaut donc environ un diamètre terrestre.
En observant le déplacement de la Lune par rapport aux étoiles, on savait également que la Lune parcourt en une heure une distance à peu près égale à son diamètre.
Donc, durant une éclipse totale de Lune (durée maximale de 2 heures environ), la Lune parcourt une distance d'environ 2 fois son diamètre. La totalité de l'éclipse commençant au moment où la Lune a entièrement disparue dans l'ombre, on en déduit que le diamètre du cylindre (qui est, rappelons-le environ un diamètre terrestre) de l'ombre vaut 3 fois le diamètre lunaire (voir figure ci-dessous). Grâce à Eratosthène, on sait à l'époque que le diamètre terrestre mesure environ 13 000 km. La lune, 3 fois plus petite, a donc un diamètre de 4 300 km, soit un rayon de 2 200 km. Ceci est évidemment une valeur approchée. Le "vrai" rayon lunaire mesure 1740 km.
Vous souhaitez aborder ce sujet avec vos élèves ?
Consultez nos ressources pour la classe !
La méthode la plus simple est celle décrite par Cléomède dans son traité : "Théorie circulaire des phénomènes célestes". Voici la description qu'en donne Delambre dans son "Histoire de l'Astronomie Ancienne" (Vol 1, p. 225) : " On dit que la Lune mesure deux fois l'ombre de la Terre dans les éclipses totales. Car autant elle est surpassée par le diamètre de cette ombre, autant elle a de chemin à faire dans l'obscurité totale.
L'éclipse se partage en trois parties, la première est le temps que la Lune met à entrer de tout son diamètre dans l'ombre, la seconde, celui qu'elle emploie à se mouvoir dans l'ombre, enfin le temps qu'elle emploie à sortir de tout son diamètre ; si ces trois temps sont égaux, le diamètre de l'ombre sera double du diamètre de la Lune. L'ombre de la Terre sera double de la Lune ; il en conclut que la Terre est le double de la Lune (ce qui suppose qu'elle n'est pas plus grande que son ombre et que le Soleil n'est pas plus grand que la Terre.) Le diamètre de la Terre a plus de 80 000 stades, celui de la Lune en aura 4 000. Le diamètre de la Lune est 1/750 de son cercle à peu près comme le Soleil. Le cercle de la Lune aura 750 x 40 000 stades. "
Traduit en termes plus contemporains, on mesure le temps d'entrée et de sortie de la Lune de l'ombre de la Terre et la durée de la phase de totalité. On en déduit le rapport entre l'ombre de la Terre et le diamètre lunaire, puis on fait l'hypothèse d'une ombre cylindrique (l'ombre de la Terre est égale à son diamètre). On en déduit la taille de la Lune par rapport à la Terre. Puis connaissant le diamètre angulaire apparent de la Lune : 1/750 de cercle (à l'époque on mesure les angles en fraction de circonférence) on en déduit la longueur de l'orbite circulaire de la Lune.
On a également une description de la mesure de la distance Terre-Lune par Aristarque de Samos (310 - 230 av. J.-C.) dans son traité "Sur la grandeur et la distance du Soleil et de la Lune". Cette méthode est plus complexe géométriquement car à l'époque d'Aristarque on ne connaissait pas la trigonométrie. On peut consulter, sur le site Gallica (gallica.bnf.fr) de la Bibliothèque nationale, une version française du Traité d'Aristarque de Samos "Sur les grandeurs et les distances du Soleil et de la Lune", traduite du grec par le Comte de Fortia d'Urban et éditée en 1823.
Ptolémée (milieu du deuxième siècle), dans l'Almageste (livre V chapitre 14), nous décrit deux méthodes permettant de calculer le diamètre apparent de la Lune, puis les distances Terre-Lune et Terre-Soleil. Pour le calcul du diamètre apparent de la Lune, Ptolémée utilise deux éclipses de Lune observées à Babylone. La première a eu lieu l'an 5 de l'ère de Nabopolassar, qui est l'année 127 de l'ère de Nabonassar, à la fin de la onzième heure du 27 au 28 du mois égyptien Athyr (troisième mois de l'année). Cette date correspond à la nuit du 21 au 22 avril -620 (621 av. J.-C.). Ptolémée nous dit "on vit à Babylone la Lune commencer à s'éclipser; et la plus grande phase de cette éclipse fut du quart du diamètre dans la partie méridionale de l'astre". Puis il calcule la position de la Lune sur son orbite pour l'instant du maximum de l'éclipse et trouve qu'elle se trouve à 9,5° de son noeud et que la distance angulaire entre le centre de la Lune et le centre de l'axe des cônes est de 48,5'. La seconde éclipse de Lune utilisée est celle de l'an 7 de Cambyse, c'est-à-dire l'an 225 de l'ère de Nabonassar, elle s'est produite à une heure avant minuit du 17 au 18 du mois égyptien Phamenoth, ce qui correspond à l'éclipse du 16 juillet -522 (523 av. J.-C.) ; Ptolémée nous dit "on vit à Babylone la lune s'éclipser de la moitié de son diamètre dans la partie boréale" et il calcule qu'au maximum de l'éclipse la Lune est à 7,8° de son noeud et que la distance angulaire entre le centre de la Lune et le centre de l'axe des cônes est de 40,6'. Ptolémée calcule également que les deux éclipses ont lieu sensiblement lorsque la Lune est à une même distance angulaire de son apogée, donc que les diamètres lunaires apparents sont sensiblement identiques, alors la différence des distances à l'axe des cônes est égale au quart de diamètre lunaire, Ptolémée en déduit que le diamètre lunaire est de l'ordre de 31,3'. A partir de la deuxième éclipse, Ptolémée calcule également le rayon du cône d'ombre en fonction du rayon apparent de la Lune et il trouve que ce rayon "est un peu moindre que le double et 3/5 du rayon de la Lune".