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boizier9@hotmail.fr

Bonjour,

Ces questions ont peut-être été déjà posées sur le site, je suis alors désolé pour la répétition. Merci dans ce cas de m'indiquer où trouver les réponses. J'ai été amené à me poser ces questions en tant qu'enseignant lors de la préparation des activités à réaliser et les réponses apportées pourront m'aider à les modifier.

A partir de quelle valeur de résistance électrique considère-t-on un matériau comme isolant ?

Est-il possible de mesurer la résistance électrique de son corps ? de ses mains ? de ses mains mouillées (pour voir la différence avec ses mains sèches) ? J'ai essayé de faire des mesures en plaçant les extrémités des deux fils reliés à l'ohmmètre sur l'une des paumes de mes mains, en serrant et sans appuyer, en plaçant une extrémité de chaque fil sur une main. Dans tous les cas, les valeurs de résistance obtenues sont très élevées (de l'ordre du million d'ohms ou de la centaine de milliers d'ohms) et elles ne cessent de bouger de façon très importante. Or il me semble que la résistance du corps n'est pas si élevée. Par ailleurs, est-il pertinent d'essayer de mesurer la résistance électrique en se mouillant les mains pour voir la différence avec les mains sèches ?

Pourquoi lors d'un court-circuit, le courant n'existe que dans le court-circuit dont la résistance au passage du courant est très faible alors que le courant existe dans toutes les branches au sein d'un circuit en dérivation même si les résistances des différentes branches sont très différentes. Le courant ne devrait exister qu'au sein de la branche dont la résistance est la plus faible, comme pour le court circuit.

Peut-on parler de dérivation pour le branchement du voltmètre alors qu'il n'y a pratiquement pas de courant électrique au sein du voltmètre lors de la mesure de la tension. De la même façon, peut-on parler de dérivation pour un court-circuit sachant qu'il n'y a plus de courant en dehors du court-circuit ? Je m'interroge du coup sur la définition à donner d'un circuit en dérivation.

Merci d'avance pour votre aide à ce sujet, merci pour ce site qui constitue l'un des seuls interlocuteurs pour des questions de ce type.

Bien cordialement,

Mon 17/04/17 - 14:14
elisabeth.massot@normalesup.org

Bonjour,

Votre message contient plusieurs questions, je vais tâcher d'y répondre une par une.

Isolant électrique
Votre question des isolants électriques regroupe en réalité deux aspects de cette notion.
Si vous regardez dans un livre de physique des matériaux, on vous expliquera qu'un isolant est un matériau qui ne comporte pas de charge libre, c'est-à-dire de particule susceptible de transporter l'électricité. C'est le cas des gaz non ionisés ou des solutions qui ne contiennent pas d'ions, dans ces cas le matériau n'est formé que de molécules ou atomes. C'est également le cas des cristaux qui ne contiennent pas d'électrons libres. C'est le cas par exemple du sel sec ou du verre, qui sont certes constitués d'ions, mais dont toutes les charges sont engagées dans les liaisons cristallines. C'est le cas du bois ou du papier, qui sont constitués de molécules. Ce n'est pas le cas des métaux, constitués d'une matrice de charges positives au sein de laquelle des électrons peuvent se déplacer «librement». En réalité, comme dans tout système physique, la modélisation ne rend compte que d'un cas extrême qui n'existe pas. Même dans un matériau isolant, l'agitation thermique ou des impuretés permettent à des charges de se déplacer. Ce phénomène sera juste plus ou moins important suivant les matériaux.

La résistance vous permet de mesurer la faculté qu'a le courant de passer ou non dans tel ou tel objet. Mais cela dépend de la géométrie de l'objet, et il est nécessaire pour définir l'isolant de trouver une grandeur intrinsèque à mesurer. La faculté qu'ont les charges à se déplacer est mesurée par la grandeur conductivité, ou plutôt ici la faculté qu'a le matériau à ne pas les laisser se déplacer est la résistivité, notée ρ. C'est cette grandeur intrinsèque qui vous permettra de trancher. Un conducteur a une résistivité de l'ordre du millionième ou du milliardième d'Ω.m, un isolant a une résistivité de l'ordre du million d'Ω.m voire plusieurs milliards de fois plus que cette dernière valeur. Les deux catégories sont donc bien tranchées. Comment accéder à la résistivité ? Elle est liée à la résistance par la relation :
R = ρ * l /S.
Cette relation nous dit que plus le matériau résiste intrinsèquement (ρ) au passage du courant, plus sa résistance sera élevée. Si le matériau est plus long (l), le courant aura aussi plus de mal à passer, comme une foule dans le métro qui aura un escalier plus long à franchir. De même, si la surface transverse S est plus large, le courant passera mieux, comme la foule dans un couloir plus large.

Dans la vie de tous les jours avec les élèves d'élémentaire ou de collège, il n'est bien sûr pas question d'entrer dans des détails pointus. Il faudra donc se contenter d'un critère non chiffré, ou chiffré autrement. Est isolant ce qui ne permet pas par exemple d'allumer une lampe. Certains matériaux ne le permettent pas, d'autres le permettent très bien, d'autres la laissent s'éclairer mais faiblement. Quel critère les enfants vont-ils choisir ? N'hésitez pas à trouver d'autres critères que le coup de la lampe, ou bien à trouver des lampes différentes (même voltage, par exemple 3V mais pas même ampérage par exemple 100 mA ou 250 mA). Ainsi le critère de la première lampe ne marchera plus pour la deuxième. Faut-il retenir comme isolant les matériaux qui ne permettent d'allumer aucune lampe ? Aux enfants de décider, et de faire les mesures de résistance adéquats.
Mais vous, vous savez qu'en réalité c'est la résistivité qui importe. Proposez-leur de prendre un matériau légèrement conducteur, mettez-en 2 ou 3 en série (on multiplie l par 2 ou 3) et oh ! Le matériau devient isolant ! Prenez un matériau isolant mais pas trop. Coupez-le en 2 ou 3 (diviser l), ou mettez-en plusieurs en dérivation (augmenter S) et oh ! il devient conducteur. Et maintenant, reprenons la conclusion de ce qu'on appelle isolant ou conducteur. Vive la démarche expérimentale, et les questions qui vont avec ! Remarquez d'ailleurs que ma jolie définition de résistivité ne vous dit pas en réalité à quelle valeur de ρ on décide si un matériau est isolant ou conducteur. Il y a toute une panoplie de matériaux entre 1 millionième et un million d'Ω.m, à quel endroit coupe-t-on ? Cela dépend de ce que vous voulez en faire...

Tue 18/04/2017 - 14:06
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elisabeth.massot@normalesup.org

Je continue ma réponse.

Résistance électrique du corps
Vous avez parfaitement raison, la résistance du corps est bien moindre que des milliers d'ohms. Avec mon multimètre, j'ai trouvé entre mes deux paumes de main sèches 730 Ω et entre mes deux paumes mouillées 380 Ω. Mais les résistances placées en série s'ajoutent, et lorsque vous faites cette mesure il y a un peu d'air en série qui a une grande résistivité (qui est donc plutôt bien isolant pour ce qui nous occupe...) et cela vient généralement fausser les mesures. Mon multimètre est équipé de sondes que j'ai enfoncées dans mes paumes (j'en ai gardé la marque tout le temps d'écrire mon message précédent) de manière à réduire cette couche d'air. Vous devriez réessayer de cette manière pour voir si vous obtenez de meilleures valeurs. J'ai aussi essayé entre la paume et le dos de ma main et j'obtiens... 900 Ω ! Sans doute la peau du dos de la main est-elle plus épaisse et mieux isolante que celle de la paume (ou alors j'en avais assez de me faire mal et j'ai moins appuyé :D). À vous de faire des essais à différents endroits !

Circuits en dérivation
Toutes vos questions se résument en un seul raisonnement. Je vais m'appuyer sur le circuit de la page http://thierry.col2.free.fr/restreint/exovideo_lycee/ex_1S_physique/Ch9_... . La tension aux bornes de chaque résistance est E=U1=U2=U3, la tension délivrée par le générateur. En revanche, il y a dans chaque branche une intensité qui n'est pas la même d'une branche à l'autre comme vous le dites très bien. La loi d'ohm est vérifiée aux bornes de chaque résistance donc :
E = U1 = I1*R1, E = U2 = I2*R2, E = U3 = I3*R3
ce qui s'écrit aussi
I1 = E/R1, I2 = E/R2, I3 = E/R3. (1)

Cette première série d'équations va nous permettre de répondre à une partie des questions. Il semble pour l'instant que chaque branche se comporte indépendamment des autres. Si la résistance d'une branche est grande, le courant correspondant sera faible. C'est ce qui se passe pour le voltmètre qui a une très grande résistance interne de manière à ne laisser passer que très peu de courant. Dans le cas d'une résistance très faible, le courant sera très grand. C'est le cas du court circuit, pour lequel l'intensité est très grande mais jamais infinie. Cela correspondrait sinon à une résistance parfaitement nulle qui n'existe pas : la résistance des fils ou la résistance interne de la pile vont nécessairement limiter le courant.

À ce stade, on est obligé d'aller plus loin. Si on demande à la pile de fournir trop de courant, elle va saturer. Il faut donc tenir compte de ce phénomène.
L'ensemble de ces trois résistance peut être vu comme un seul objet de résistance R (appelée résistance équivalente et qui est au passage inférieure à chacune des trois autres puisqu'on n'a fait qu'élargir le couloir du métro !), parcouru par le courant I qui sort de la pile. La loi des noeuds implique donc que
I = I1 + I2 + I3 (2)
Le courant se répartit entre les différentes branches : on est donc obligé de prendre à Pierre pour donner à Paul. Ainsi, si le courant est très fort dans une branche, il sera très faible dans les autres. C'est pourquoi on ne veut pas que le voltmètre prenne trop de courant, car on ne veut pas qu'il perturbe le reste du circuit. Et plus on baisse la résistance dans une branche, plus elle prend de courant au détriment des autres : ainsi, plus on s'approche du court-circuit, plus le courant s'affaiblit dans les autres branches jusqu'à paraître nul. Mais il faut bien garder en tête que cette histoire de court-circuit n'est qu'un cas limite du cas général où les branches se partagent le courant en proportion de 1/R1, 1/R2, 1/R3 etc.

Je rajoute ici la réponse à une remarque. La loi d'ohm (relation 1) semble imposer les valeurs des intensités I1 etc. Cela est vrai tant que I ne dépasse pas les capacités de la pile. Mais si vous essayez d'avoir I trop grand, la pile ne suit plus et c'est E qui diminue en sortie de pile de manière à s'ajuster à la fois à la loi d'ohm (relation 1) et à la loi des noeuds (relation 2).

Je vous engage si vous le pouvez à réaliser un circuit avec 2 ou 3 résistances en dérivation et à diminuer progressivement la résistance d'une des branches. Vous verrez alors la tension aux bornes de la pile diminuer peu à peu, et en conséquence l'intensité des autres branches diminuer également... Attention, les effets ne sont visibles que pour des résistances dans la branche «court-circuit» de quelques dizaines d'ohms à quelques ohms (pour les piles plates 4,5V).

Tue 18/04/2017 - 14:56
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