Extrait de la conférence d'Elisabeth Plé, IUFM Champagne Ardenne
Cet exposé s'appuie sur mon expérience de formatrice d'enseignants, en France bien sûr, mais aussi dans plusieurs pays : Liban, Inde, Québec, Chine, Afghanistan, Niger, Malaisie, Argentine… Il est nourri par les nombreux échanges que j'ai pu avoir tant avec des formateurs français qu'avec des collègues, enseignants ou formateurs de ces différents pays. Il sera illustré par un exemple de formation donnée en Afghanistan en mai 2004.
Tout d'abord quelques points que tout formateur d'enseignants est amené à questionner pour construire un module de formation.
- Déterminer la cible de la formation. À qui s'adresse-t-elle : à des enseignants ou à des formateurs d'enseignants ? Sont-ils spécialisés en enseignement des sciences ou pas ? Sont-ils familiarisés ou non à une approche de l'enseignement des sciences du type La main à la pâte ?
- Connaître des éléments du système éducatif, de la culture et des ressources locales. Connaître les caractéristiques des pratiques des enseignants à qui va s'adresser la formation. Nous verrons que si le premier point peut relativement être anticipé, le second est souvent découvert dans l'action de formation.
- Construire un dispositif de formation en s'appuyant sur des principes de formation. Ce point fera l'objet du premier développement de cet exposé.
- Intégrer cette formation aux structures locales. Il va de soi que l'efficacité de la formation dépend essentiellement du dispositif de suivi et d'accompagnement prévu. Se donner les moyens d'établir des liens avec ces structures locales semble être une condition nécessaire pour bien arrimer la formation dans un système.
1. Principes de formation
Deux principes orientent la construction des dispositifs de formation : celui d'homomorphisme et celui de prise en compte des pratiques des enseignants.
- Principe d'homomorphisme
Il s'agit de mettre en œuvre un dispositif de formation qui fasse écho aux principes mis en avant dans la démarche d'apprentissage préconisée pour les élèves, et en particulier à ceux-ci :
- Les élèves sont mis en situation d'investigation expérimentale. Aux cours de ces investigations, les enfants argumentent et raisonnent, mettent en commun et discutent leurs idées et leurs résultats, construisent leurs connaissances.
- L'erreur n'est pas considérée comme une déficience de la part de l'élève. Son expression et sa prise en compte sont au cœur du processus d'apprentissage.
- Le maître joue un rôle de médiateur. Il propose les activités, dirige les recherches, mène les débats, permet l'accès aux ressources, organise la structuration des acquis.
- Cette démarche articule apprentissages scientifiques, maîtrise des langages et éducation à la citoyenneté.
Cependant, cette résonance aura d'autant plus de chance de se réaliser si la situation de formation proposée est adaptée au public en question. Une formation où les stagiaires sont mis en situation d'élèves est rapidement discréditée… De plus, cet écho ne doit pas rester implicite mais doit faire l'objet d'une expression par les participants en fin de stage. Ce temps où les participants s'expriment sur les moments vécus et jugés déterminants de leur point de vue semble essentiel. Une part intime de chacun étant alors sollicitée, ceci ne le rend pas aisé à organiser.
- Principe de prise en compte des pratiques des enseignants
La visée principale de toute formation professionnelle est une transformation des pratiques. Tout comme l'acte d'apprentissage conduit l'enseignant « à partir des représentations des élèves pour les transformer », l'acte de formation des enseignants doit amener le formateur à prendre en compte les pratiques des stagiaires. Ces pratiques, compétences en « acte » et savoirs tacites, sont difficilement accessibles pour le formateur. Les informations recueillies par le formateur en amont de la formation pour connaître le modèle dominant d'apprentissage (voir note 1 plus bas) développé dans le pays, les contraintes (nombre d'élèves par classe, conditions de travail des enseignants, niveau de formation…), les habitudes pédagogiques, les ressources utilisées par les enseignants (manuels, matériels…) sont certes indispensables. Mais c'est le plus souvent dans l'action, à travers les différentes situations de formations proposées, que ces pratiques vont être révélées et vont émerger.
Ce principe n'est finalement qu'une conséquence particulière du précédent.
2. Compétences à développer
- Se familiariser avec la démarche d'investigation expérimentale préconisée par La main à la pâte.
Les mises en situation d'investigation par les stagiaires, mais aussi les analyses et les productions de séquences types pourront contribuer à cette familiarisation.
- Exploiter des ressources
L'exploitation des ressources locales fera l'objet d'un atelier particulier. Nous ne développerons donc pas ce point. Disons seulement qu'il est probablement illusoire de penser qu'une collecte d'informations en amont du stage offre toutes les conditions idéales de son fonctionnement. C'est bien souvent les stagiaires eux mêmes qui apportent les informations les plus intéressantes. Ceci n'est bien sûr possible que si une véritable relation de confiance s'est établie entre formateurs et stagiaires et si les stagiaires sont suffisamment familiarisés avec la démarche à mettre en œuvre.
- Gérer des moments clés. Certains moments de la gestion de la démarche d'investigation expérimentale avec les élèves peuvent être considérés comme des moments clés. Ils entraînent généralement, au cours de la formation, des temps de réflexion particuliers. Ainsi les questions suivantes se posent-elles :
- Comment démarrer l'activité ?
- Quelle est la place de l'erreur des élèves ? Comment gérer ces erreurs ?
- Comment prendre en compte les représentations des élèves ?
- Comment questionner le réel ? Quelle est la place et le rôle de l'expérience dans cette démarche ? quelles articulations prévoir entre les temps d'expérimentation et les autres activités ?
- Quels liens établir avec l'environnement de l'enfant ?
- Place et rôle des écrits ? Comment tenir un cahier d'expériences ?
- Comment gérer un débat scientifique ?
- Comment structurer les acquis ?
3. Des activités
- Mettre les stagiaires en situation d'investigation expérimentale
Ce type d'activités découle du principe d'homomorphisme. S'il semble devenir incontournable dans les formations à une méthodologie du type La main à la pâte, il n'est pas sans poser problème.
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- Le choix du sujet. Le thème doit être adapté, ni trop simple, auquel cas il n'y aurait aucun enjeu, ni trop compliqué ou trop long à traiter car il risquerait de décourager.
- Gérer les résistances manifestées par les stagiaires. Ces résistances se manifestent par un contournement de la tâche d'investigation expérimentale. Elles sont généralement de deux types : apport immédiat de la réponse assorti de théories explicatives, ou bien mutisme et refuge auprès de leaders. Elles sont d'ailleurs d'autant plus fortes que le modèle d'apprentissage mis en œuvre par ces enseignants est éloigné de celui sous-jacent dans l'activité proposée. Il faut comprendre ces réactions d'évitement comme normales et même nécessaires pour que le processus de modification des pratiques puisse s'établir.
- Ne pas se contenter de la recherche, mais profiter pleinement du vécu des stagiaires pour organiser une réflexion sur des moments clés signalés plus haut. Ce temps de réflexion distanciée à partir d'une activité vécue est nécessaire pour envisager une transposition à la classe.
- Présenter, analyser, exploiter des séquences pédagogiques
Plusieurs ouvrages sont maintenant traduits dans différentes langues et peuvent donner lieu à des exploitations intéressantes au cours des formations. C'est en particulier le cas de l'ouvrage collectif Enseigner les sciences à l'école, réalisé conjointement par le ministère de la Jeunesse, de l'Éducation nationale et de la Recherche, et l'Académie des sciences de France, et publié par le CNDP (1). Il se présente sous forme de 7 séquences types pour l'école élémentaire.
Il est aussi possible de faire traduire des séquences d'enseignement par les traducteurs locaux si ces produits n'existent pas dans la langue du pays.
Les vidéos semblent être un support intéressant à exploiter. Elles peuvent permettre :
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- d'illustrer, témoigner, contextualiser des pratiques d'enseignement ;
- d'analyser des comportements d'élèves ou des pratiques d'enseignement. Ces analyses doivent cependant être guidées par un questionnement préalable ;
- de donner un contexte pour demander d'élaborer des stratégies de conduite de classe ;
- de comparer une séquence proposée par les stagiaires avec une pratique alternative apportée par le support vidéo. On joue ainsi sur un effet de contraste très intéressant à exploiter pour faire évoluer les pratiques des enseignants.
Malheureusement, ces supports vidéo sont trop peu nombreux. La plupart, réalisés localement avec de faibles moyens, sont de qualité technique médiocre. De plus leur usage dans un pays non francophone pose des problèmes de langue. Il en va d'ailleurs de même avec les exploitations de traces écrites et de productions d'élèves.
- Produire des séquences pédagogiques
Ce moment est intéressant car il permet d'apprécier le niveau d'appropriation de la démarche proposée. Mais il est surtout l'occasion de revenir sur des moments clés et d'approfondir la réflexion.
La réalisation d'une séquence dans la classe d'un stagiaire, quand elle est possible, est toujours un temps privilégié à exploiter.
- Apporter des savoirs didactiques et pédagogiques
Ce type de formation par l'action et l'investigation exige bien sûr des apports théorico-pratiques. Ils viennent bien souvent compléter des réflexions, éclairer des questionnements, structurer des démarches.
Ces points seront utilement complétés par la consultation du « guide des formations adaptées à la mise en œuvre des programmes rénovés de l'enseignement des sciences et de la technologie à l'école primaire » (2).
4. Un exemple de formation en Afghanistan
Cette formation a été conduite en mai 2004, à Kaboul, pour une trentaine d'enseignants de sciences afghans. Elle était la première formation de ce type dans ce pays et visait à promouvoir de nouvelles pratiques en classes de 4e et 5e année du cursus de l'école pour lesquelles de nouveaux programmes viennent d'être établis. Nous invitons le lecteur à consulter l'annexe2 pour avoir accès à sa présentation commentée suivant les points de vue développés ci-dessus.
Le programme de formation fait apparaître les choix des formateurs pour alterner les différents temps : mise en situation d'investigation expérimentale ou de fabrication, analyse de séquences types, production de séquences, apports théoriques. Si le choix des thèmes a été anticipé, ne serait-ce que pour des questions pratiques, la configuration finale de la formation a été le fruit de nombreux remaniements en fonction des réactions des stagiaires.
Il n'était, par exemple, pas prévu que les formateurs réalisent une séquence dans une classe. Cette décision a été prise suite, à la première mise en situation où les stagiaires devaient rechercher « les conditions pour faire varier la période d'un pendule » et à leurs réactions lors de la présentation de la démarche Main à la pâte et lors du visionnement de séquences de classe réalisées dans un contexte très différent de celui où ils opèrent habituellement. Ces réactions, que l'on pourrait traduire par la formule « chez nous, c'est impossible, les classes sont trop petites, il y a trop d'élèves par classe, les élèves sont différents… », sont des signes de résistances classiques à la modification des pratiques. Cette séquence a été filmée puis visionnée par les stagiaires. Elle a probablement constitué la charnière de cette formation et a été un moment privilégié pour revenir sur les moments clés cités précédemment.
Les conditions de déroulement du stage (les stagiaires continuaient à travailler à mi-temps pendant la durée de la formation) ont également permis à une des stagiaires de réaliser dans sa classe une séquence préparée par un groupe pendant la formation. Celle-ci a également été filmée puis commentée. Ce moment a été très riche et nous a permis de pointer une dérive, relevée aussi par J. P. Sarmant dans son rapport de 1999 après les premières expérimentations en France, celle du « tout méthodologique ». En effet, les élèves étaient sollicités, donnaient leur avis, écrivaient, discutaient, expérimentaient, mais tiraient finalement des conclusions très proches qu'ils tenaient en début de séance.
Enfin des paroles du type : « les élèves ne sont pas une calèche qui suit le cheval, ils sont des ingénieurs, mais pas très bien éduqués » tenus par des stagiaires en fin de stage peuvent laisser penser que des modifications de conception de l'apprentissage ont eu lieu. C'est là une condition nécessaire pour envisager des pratiques de classe alternatives, à condition bien sûr que des structures d'accompagnement et de suivi des enseignants nouvellement formés à ces démarches se mettent en place…
5. Conclusion
Chaque formation est une aventure. Certes, on peut en écrire le scénario avant de partir, mais il faut savoir que la pièce à jouer n'a rien à voir avec le théâtre classique. Il faut bien sûr connaître son jeu, mais faire preuve de beaucoup d'adaptabilité, de flexibilité, d'imagination, d'improvisations en fonction des circonstances. Un peu à la manière de la commedia dell'arte. Alors c'est sûr, l'Italie a beaucoup à nous apprendre…
Note 1 : Typologie de conceptions d'apprentissage selon Marton (1993)
- Une augmentation quantitative de connaissances.
- Mémoriser et reproduire.
- Appliquer.
- Comprendre.
- Voir quelque chose de manière différente.
- Changer en tant que personne.
Conférence d'Edith Saltiel
Je voudrais vous apporter un témoignage basé sur les nombreuses délégations étrangères que nous avons formées en France à la démarche La main à la pâte.
La main à la pâte a tout d’abord mis en place un dispositif d’accompagnement (site Internet, les Insights, le réseau de consultants, etc.). Pourquoi ? Parce qu’il y a dans la démarche préconisée des spécificités auxquelles, en France, un certain nombre d’enseignants n’étaient pas formés. Qui plus est, dans certains pays étrangers, l’enseignement traditionnel reste très éloigné de ce qui est préconisé en France.
Je voudrais citer deux caractéristiques de cette démarche :
1. le cahier d’expériences.
Ce cahier (mentionné dans la circulaire Duhamel en 1996) dans lequel sont réunis un écrit individuel (personnel) où l’élève écrit avec ses mots à lui (principe n°6) et des écrits collectifs, s’est mis progressivement en place, en particulier dans les centres pilotes (Bergerac, Pamiers, Mâcon…) qui ont, à l’occasion d’un site Internet départemental ou d’une recherche INRP, communiqué ce qu’ils ont construit.
Un premier exemple, celui de Bergerac :
La démarche expérimentale en sciences (extrait d’une page de présentation du cahier d’expériences), École des Sciences Bergerac
Un peu plus tard, le centre du Jura a créé, à l’occasion d’une recherche INRP, de nombreuses fiches, chacune correspondant à un objectif précis, l’une concernant « les questions que je me pose », une autre « mes hypothèses »…
À titre d’illustration, voici deux fiches utilisées par le centre du Jura, en fin de séance et en fin de séquence.
À titre d’illustration, un extrait de cahier d’un élève de CE1, d’une école de Lyon.
L’équipe du Centre pilote de Mâcon a été, à ma connaissance, la première à élaborer un codage, principalement pour les maternelles, aujourd’hui utilisé dans de nombreuses écoles…
Un autre exemple, venant de l’école de Montmorency, grande section maternelle :
Un mot pour dire que les enseignants et formateurs ont réfléchi aux cahiers cycle 1, 2 et 3 et qu’un codage peut être utilisé dans tous les cycles, des codages complémentaires étant introduits parfois en cycle 3.
Si cet outil était au départ fortement inspiré des Insights, qui comporte une partie réservée aux écrits des élèves, le cahier d’expériences utilisé aujourd’hui en France est bien plus développé et complet que les originaux.
Ce cahier peut être compris comme étant un simple outil, voire outil de travail, mais il est beaucoup plus que cela. En effet, outre le fait qu’il reflète la structure d’une démarche d’investigation, il fait partie intégrante de la démarche (le fait d’écrire ce que l’on pense, ses hypothèses, ses explications, ses expériences et leurs résultats, les résultats des discussions avec les autres élèves…) (cf. intervention d’Elisabeth Plé).
Bergerac a l’expérience de formations à la mise en place du cahier. Pour les étrangers venant en France, l’équipe La main à la pâte de Montrouge a fait le choix de mettre les stagiaires « en situation » en leur demandant de jouer le jeu, en faisant comme s’ils étaient des élèves et donc d’écrire aussi (questions, hypothèses, prévisions argumentées, expériences…) sur un cahier d’expériences.
Pourquoi ce choix ?
Pour que les stagiaires vivent ce qu’ils sont ensuite censés faire vivre aux enseignants de leur pays (s’ils sont formateurs d’enseignants), ou aux élèves (s’ils sont enseignants). De nombreux retours (soit directs en France, soit dans les rapports de mission des uns et des autres) montrent que « cette mise en situation » a un impact considérable.
« Les mises en situation concrètes sont à développer car les enseignants n’ont pas l’habitude de travailler en groupes et de coopérer. Les pratiques d’échanges, d’argumentation ne sont pas familières, peu organisées et soumises à l’influence d’un leader. Il est important que les enseignants vivent les situations corporellement afin de pouvoir concevoir de les mettre en classe avec leurs élèves. » (Extrait du rapport de mission Gabon 2003)
« Les participants ont accepté de jouer le jeu, convaincus qu’ils étaient de l’intérêt de vivre une démarche qu’ils auraient à promouvoir ensuite dans leur classe ou leur circonscription. » (Extrait du rapport de mission Île Maurice 2003)
C’est ensuite que vient une analyse de ce qui s’est passé (y compris des écrits). Vous aurez l’occasion de vivre rapidement quelques-uns de ces moments avec les ateliers de cette après midi.
L’importance de l’écrit et de l’argumentation en sciences n’est pas réservée au seul enseignement primaire. En effet en 1987, Michel Hulin écrivait, à l’occasion de l’enseignement dans les lycées :
« Le recours à l’expression écrite ou orale en langage « naturel » est d’ailleurs systématiquement refoulé par la plupart des enseignants de physique. Ceux-ci, très souvent, ne considèrent pas que le cours ou le TP de physique puisse être le lieu d’un apprentissage de l’expression portant sur un contenu particulier lié à des exigences propres… (À leur décharge, on se doit de dire qu’ils ne sont guère encouragés par les conceptions qui président de plus en plus à l’enseignement du français et qui ne cultivent pas prioritairement les qualités de précision, de logique dans l’argumentation.) »
2. Un module
La main à la pâte a tout d’abord introduit les modules américains qui sont des modules « clés en mains », comprenant un document pédagogique très détaillé et le matériel qui va avec, ce qui était inhabituel en France à cette époque. Ces modules sont originaux sur deux aspects (pas ou peu répandus en France).
- Fournir aux enseignants des documents pédagogiques les plus complets possibles. La France a, en quelque sorte, pris modèle sur les USA puisque de nombreux centres pilotes ont élaboré des « mallettes » (ou malles) qui comprennent du matériel pour la classe et, ce qui est important, un document pédagogique qui donne des indications précises sur comment faire avec les élèves et ce matériel.
La DESCO, en collaboration avec l’Académie des sciences-La main à la pâte, a élaboré un fascicule « Enseigner les sciences à l’école », fascicule qui détaille sept séquences d’enseignement, en indiquant le matériel dont aura besoin le maître sans pour autant le fournir.
- Elaborer un module long (10 à 16 séances) sur un thème donné avec un petit nombre de notions étudiées et travaillées (voir principe 3 et un peu du 4). Ces modules sont très différents des « fiches » que la circulaire Duhamel demandait aux enseignants de rédiger, qui étaient censées traiter un sujet sur une ou deux séances, l’enseignant changeant de sujet chaque semaine. Le module implique une continuité et une progression, voire programmation, le tout étant plus difficile à réaliser avec des fiches « ponctuelles ».
Exemples : Ératosthène, Enseigner les sciences à l’école, etc. Mais prenons l’exemple d’un module qui n’existe pas et que, personnellement, j’aimerais voir exister un jour, à savoir sur le changement d’état eau liquide-vapeur d’eau. Que pourrait-on faire ?
Partir d’un constat (soit remarquer que l’eau de la flaque d’eau dans la cour a disparu et se demander ce qui lui est arrivé, soit se demander où est passée l’eau de l’éponge du maître, etc.) ; On étudie le phénomène évaporation (en s’appuyant sur ce qu’a dit Elisabeth Plé, en cherchant à déterminer les facteurs dont dépend cette évaporation, etc.). Ensuite il serait possible de passer un certain temps à regarder autour de soi et d’essayer de reconnaître ce phénomène dans la vie de tous les jours, puis enfin être à même d’utiliser ce phénomène dans un autre contexte pour résoudre un problème. L’exemple de J. M. Rolando traité lors d’un séminaire inter académique, la pollution des nappes phréatiques par les engrais, est parlant de ce point de vue : il s’agit en effet de remarquer que les nappes phréatiques sont polluées par la présence d’engrais. La question est de faire une expérience qui permette de montrer que l’eau est polluée par les engrais. Il s’agit dans un premier temps de recueillir l’eau qui est passée dans de la terre selon qu’il y ait ou non de l’engrais. Mais ensuite pour savoir si dans l’eau récupérée il y a ou non un résidu, il s’agit de penser à faire évaporer l’eau obtenue et de voir ce que l’on récupère. Ainsi à l’occasion d’un problème apparemment très éloigné du phénomène évaporation, les élèves doivent penser à utiliser ce phénomène.
Une remarque : un tel module suppose des prolongements, des interactions fortes avec d’autres disciplines (mathématiques, géographie, histoire…) : nous ne sommes pas très éloignés d’un enseignement transdisciplinaire.
Comment monter une formation au module ?
Pas facile a priori car les formations sont en général assez courtes. Qu'avons nous fait en France pour les délégations étrangères ?
Pour les étrangers qui viennent en France, il est impossible de procéder (assurer un suivi sur place) comme pour les enseignants français puisque les stagiaires repartent dans leur pays. Quand aux formations à l'étranger, ce n'est pas toujours facile, bien que ce soit ce qui a été mis en place en Colombie, je crois.
Après la mise en situation qui a lieu en général en début de stage, il est demandé aux stagiaires de se répartir en petits groupes, chaque groupe choisissant un sujet, un thème, un module (ce qu'ils veulent), et de préparer pour la fin du stage une mise en situation de tout le groupe (comprenant aussi les formateurs). Cette façon de faire présente un certain nombre d'avantages. Au début du stage les stagiaires ont vécu la démarche préconisée à l'aide d'une mise en situation, mais ce n'est pas forcément parce qu'ils l'ont vécu qu'ils seront capables d'effectuer sans difficultés un transfert dans leur pays auprès des enseignants et/ou des élèves.
Leur demander de faire leur permet de mettre en actes tout ce qui a été vécu, montré, analysé, réfléchi durant le stage (quelle situation de départ choisir, comment gérer les groupes, quand, comment faire écrire, comment réagir…..) et de « réinvestir des compétences ». Nous allons voir que cela permet aussi de traiter l'hétérogénéité des stagiaires.
En effet, quels peuvent être les choix des différents groupes de stagiaires ?
- choisir une activité « clés en mains »se trouvant sur le site ou bien un Insight traduit, ou bien un document de même nature écrit dans une langue qu'ils comprennent. Dans ce cas, le travail effectué par eux permettra de prendre conscience de la façon dont ils se sont appropriés cette ressource « clés en mains » (il peut y avoir des formateurs qui se sentent rassurés d'avoir à travailler un tel document).
- s'inspirer d'une activité toute faite mais en choisissant par exemple une autre situation de départ, un parcours un peu différent, bref en l'adaptant à soi-même.
- plusieurs groupes peuvent travailler ensemble et s'inspirer du principe d'un module et réfléchir à une progression. Par exemple, ils déterminent ensemble les séquences qui, à leurs yeux, sont importantes pour la progression du module et chaque groupe mettra en situation la séquence choisie. Ainsi, au total le groupe complet aura vu par exemple trois situations d'un même module et pourra discuter sur le bien fondé de la progression proposée. Par ailleurs, cette façon de faire peut amener certains groupes à choisir une séance où l'expérimentation aura peu de place et sera remplacée, par exemple, par un travail de recherche documentaire. C'est ce qui a été fait avec la première délégation d'enseignants chinois.