Le roman photos

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Type de ressources

Pedagogical documentation

Contributeur(s)

Thème(s) pédagogique(s) 1er degré

Thème(s) pédagogique(s) 2nd degré

Copyright

CC BY-NC-SA 4.0 International

Les participants disposent d'un ensemble d'images fournies dans le désordre par le formateur. Elles illustrent les différents moments d'une démarche d'investigation réellement menée dans une classe et en rendent compte d'une manière suffisamment complète. La consigne, fournie aux participants, est de reconstituer la chronologie de la séquence en justifiant les choix réalisés. L'objectif est d'amorcer une réflexion sur les différentes phases d'une démarche d'investigation qui est ensuite analysée plus précisément à la lumière de références institutionnelles ou théoriques.

Document pour la formation des enseignants

Parmi les différentes modalités possibles de formation, nous proposons une activité que nous appelons le « roman-photo ». Elle consiste à proposer aux participants une série d’images comportant des photographies d’élèves en train de travailler et des extraits de cahiers numérisés. Ce « roman-photo » résume les grandes étapes d’une activité scientifique qui s’est effectivement déroulée dans une classe donnée. Mais les différentes images sont fournies dans le désordre. La tâche des participants à l’action de formation est de les remettre dans l’ordre. Pour ce faire, ils sont amenés à s’interroger sur les raisons qui justifient de choisir tel ordre ou tel autre. Au-delà de la tâche demandée, l’objectif est de les amener à s’approprier le cadre général d’une démarche d’investigation qui est précisé dans un second temps par un ou deux textes fournissant un éclairage institutionnel (extrait du document d’application des programmes) ou théorique, puis par une synthèse du formateur.

Le « roman-photo » en fonction de la nature de l’action de formation

Cette activité présente suffisamment de souplesse pour s’adapter à plusieurs cas.
• Dans les animations pédagogiques, l’activité peut se dérouler tel que nous l’avons déclinée, mais en ne proposant qu’un seul texte au cours de la synthèse. Il paraît logique de choisir dans ce cas l’extrait des documents d’application des programmes. Les textes de didactique, souvent d’une approche plus difficile, demandent une durée de formation plus importante pour être saisis, non seulement parce que leur lecture peut prendre un peu de temps, mais aussi parce que leur compréhension demande une mise en perspective avec d’autres exemples d’activités.
• Il est envisageable, avant d’aborder la réflexion pédagogique proprement dite, de confronter les participants à la situation d’un problème scientifique vécue par les élèves car on sait qu’une « mise à niveau » scientifique est souvent nécessaire. Si l’on ne dispose que de 3 heures de formation, ce temps doit rester très court (pas plus de 30 minutes synthèse comprise) pour ne pas empiéter. Lorsque les groupes sont productifs dans leurs recherches, et qu’il est alors difficile de les arrêter, il faut improviser une suite plus courte qui, dans la plupart des cas, consiste à raccourcir la synthèse.
• Dans le cadre d’un stage de formation plus long (au moins une semaine), toute la souplesse est alors possible pour placer les participants face à l’activité scientifique pendant la durée qui convient et prendre ensuite le temps d’étudier les deux textes. Il est alors intéressant de mener l’ensemble sur deux séances. Au cours de la première, seule l’activité scientifique est menée, la réflexion pédagogique et la synthèse se faisant au cours de la deuxième.
• Cette activité convient tout autant à un public de PE2 qu’à des enseignants en formation continue. Le manque de connaissance du terrain rend souvent les débats plus courts avec les PE2 si bien qu’on peut envisager de mener la recherche de la solution scientifique et l’exploitation pédagogique (avec un seul texte de référence) au cours d’une seule séance de 3 heures.

Déroulement de l’activité de formation : trame générale

Préparation

Le formateur a constitué des chemises dans lesquelles figurent les 8 pages imprimées rangées dans un ordre aléatoire. Elles ne sont pas numérotées. Il prépare autant de chemises que de groupes d’enseignants.

1re étape

Le formateur expose le problème de la hauteur des immeubles et explicite la solution de manière à ce que les participants n’aient pas le souci de la compréhension scientifique du problème (si la durée de l’action de formation est suffisante, le formateur peut prévoir un temps de travail préalable destiné à résoudre scientifiquement la situation problème). Il indique ensuite que ce sujet a fait l’objet d’un travail avec une classe de cycle 3 et que le but de l’activité de formation consiste à réfléchir à la manière dont on peut concrètement l’organiser.

2e étape

Par groupes de 3 ou 4, les enseignants reçoivent une chemise et doivent reconstituer la séquence selon une démarche qui leur paraît logique et qu’ils devront justifier. Au-delà de la remise en ordre du « roman-photos », les participants sont invités à lister toutes les questions qu’ils se posent en privilégiant celles qui dépassent le cadre de cet exemple particulier.
Au cours de cette étape, les groupes devraient être relativement autonomes et le formateur assez peu sollicité sauf pour expliciter les détails non compris (reformulation des consignes, détail d’une photo, etc.). Il est habituel que certains tentent d’obtenir la validation du formateur, soit en lui proposant un déroulement qui leur paraît satisfaisant, soit en cas d’opposition entre les membres du groupe. Dans ce dernier cas, le formateur cherche à expliciter les raisons du désaccord pour qu’elles soient débattues au moment de la mise en commun. Il arrive également que certains groupes ne parviennent pas à utiliser toutes les pages. C’est souvent parce qu’une étape de la démarche échappe aux participants. Le formateur les incite alors à organiser leur proposition avec les pages qui leur conviennent, sans obligation de les utiliser toutes. Là encore, la difficulté sera débattue collectivement.
En résumé, le formateur ne répond pas sur les questions de fond. Il en prend note pour qu’elles soient débattues au moment de la synthèse.

3e étape

Un premier groupe vient proposer un déroulement. Il explicite les raisons de ses choix, précise les hésitations qu’il a pu avoir et indique les questions que se posent les participants. Il n’est pas nécessaire que chaque groupe se succède ainsi. En revanche, les autres groupes se positionnent par rapport à la première proposition et complètent la liste des hésitations ou des questions à examiner.
Durant cette phase, le rôle du formateur est de récapituler les points d’accord et les points de désaccord en mettant en perspective les arguments des uns et des autres. Il dresse la liste des questions à examiner. Par expérience, on peut récapituler ci-dessous les points qui, généralement, prêtent à discussion.
- Certains enseignants pensent qu’il est difficile de démarrer une démarche par une question ouverte. Leur idée est qu’il faut d’abord fournir des éléments aux élèves sur la notion en jeu, avant de chercher à résoudre un problème concret. Un débat peut alors s’instaurer avec ceux qui, au contraire, conçoivent fort bien une démarche dans laquelle la situation problème est posée puis résolue progressivement. Dans cette optique, la notion n’est pas un préalable, elle est construite parce qu’elle est nécessaire pour résoudre la situation.
- Les enseignants ne sont pas dupes. Même s’ils n’y adhèrent pas tous nécessairement, ils ont déjà entendu parler de « démarche d’investigation » ou de « situation problème ». Cela ne les empêche pas de défendre leur point de vue et c’est d’ailleurs le débat d’idées qui s’instaure qui est intéressant. Certains admettent d’ailleurs assez volontiers que la démarche procédant d’une situation problème est intéressante. Mais ils y voient de fortes difficultés pratiques : « les élèves ne vont pas penser à ceci… » ; « comment peuvent-ils trouver cela ?… » ; « avec certaines classes ça peut marcher, mais pas avec mes élèves… », etc.

4e étape

Le formateur distribue un ou deux textes destinés à fournir un éclairage sur les démarches proposées. La durée de l’action de formation conditionne le choix de ceux-ci.
Les participants doivent en prendre connaissance, les mettre en perspective avec les déroulements proposés et identifier ceux qui sont compatibles avec les savoirs universitaires et les instructions officielles.
La confrontation à des textes de référence est importante. Nombre d’enseignants titulaires n’ont pas encore lu les documents d’application des programmes. C’est une occasion propice pour le faire. Ceux-ci fournissent des prescriptions qu’il est intéressant de croiser avec les acquis des recherches universitaires. C’est pourquoi nous proposons aussi, lorsque la durée de l’action de formation le permet, la lecture d’un extrait d’ouvrage de didactique des sciences. Dans l’idéal, les enseignants peuvent commencer à se rendre compte que la demande institutionnelle est cohérente avec ce que l’on sait des conditions d’efficacité d’un apprentissage.

5e étape

Le formateur présente une synthèse en explicitant les objectifs qu’il visait à travers ce moment de travail.

Un exemple de « roman-photo » : la notion d’horizontale en cycle 3

Principe

L’enseignant propose à ses élèves d’imaginer qu’ils se trouvent au sommet d’un immeuble et qu’ils doivent chercher le moyen de déterminer, sans se déplacer, si un autre immeuble que l’on peut voir au loin est à une altitude supérieure, inférieure ou identique que celui sur lequel ils se trouvent. Pour illustrer cela, il met en scène une simulation dans la cour de l’école ou dans la salle de classe (fig. 1). Une marque est portée à la craie sur un support situé à peu près à la hauteur des yeux des élèves. Elle représente le sommet du premier immeuble. Une seconde marque est portée à quelques mètres de la première. Elle représente le sommet du deuxième immeuble. L’enseignant s’arrange pour que les deux marques soient à peu près à la même hauteur pour que les élèves ne puissent pas se prononcer à l’œil nu. Il explique bien qu’il est impossible de se déplacer d’un immeuble à un autre, mais qu’il est possible, en revanche, d’utiliser du matériel.

Laurent RULLIER, Sciences cycle 3, 64 enquêtes pour comprendre le monde, Page 10 © Editions Magnard, 2003

Pour résoudre le problème qui leur est proposé, les élèves vont devoir réaliser un dispositif leur permettant de viser horizontalement la deuxième marque à partir de la première (voir des exemples du roman-photo) :

Déroulement de l’activité scientifique et présentation des pages du roman-photo

1. Le problème est présenté aux élèves qui, par petits groupes, imaginent une méthode et la décrivent sur leur cahier. Des extraits sont présentés :

2. Les élèves construisent leur dispositif et mettent en œuvre leur méthode. Ils se positionnent près de la première marque et visent en direction de la seconde. À ce stade, ils n’ont pas pensé à contrôler l’horizontalité de leur dispositif. Les différents groupes trouvent donc des résultats contradictoires. Photos d’élèves en train de viser :

On peut repérer un morceau de papier adhésif fixé sur le poteau du préau. C’est la marque qui représente le sommet du premier immeuble. La seconde marque, invisible sur ces images, est portée sur un mur éloigné. On peut constater que certains élèves visent trop haut alors que d’autres visent trop bas.


3. L’enseignant anime une discussion destinée à comprendre les divergences constatées. Les élèves se rendent compte qu’il ne faut viser ni trop haut, ni trop bas. L’enseignant résume alors la discussion et introduit le terme « horizontale » si ça n’a pas encore été fait dans la discussion. Le problème est alors reformulé : il ne s’agit plus de savoir si tel immeuble est plus haut que tel autre, mais d’apprendre à réaliser une visée horizontale. Extraits de cahiers :

4. Les élèves, par groupes, recherchent des dispositifs permettant de réaliser une visée horizontale. Ils s’aident en cela d’une réserve de matériel que l’enseignant a apportée et qui comporte notamment des bouteilles et des cylindres en carton. On obtient un dispositif qui satisfait au problème posé en attachant un cylindre creux permettant la visée à une bouteille remplie aux trois quarts. Les élèves vont de nouveau l’utiliser dans le cadre de la simulation proposée :

5. Le dispositif réalisé est étudié de plus près de manière à ce que les élèves comprennent et formulent les conditions dans lequel il doit être utilisé : pour que la visée soit horizontale, il faut que le tube soit parallèle à la surface de l’eau. Photos prises au cours de ce moment de synthèse :

6. Le dessin du dispositif est réalisé sur le cahier. Il est accompagné d’un texte explicatif.
Des extraits de cahiers :

7. Les dispositifs sont comparés à un outil en général connu des élèves : le niveau à bulle.

Les photos montrent les élèves en train d’utiliser les niveaux à bulle et de les comparer aux dispositifs qu’ils ont précédemment fabriqués.

8. Les élèves reprennent leurs visées en remplaçant leur dispositif par un niveau à bulle.
Quelques photos :

Notes sur le déroulement

Cette séquence, conforme aux instructions officielles, procède d’une situation initiale qui transpose, en la simplifiant, une activité professionnelle réelle (le travail des géomètres). Les élèves sont en situation d’investigation. La séquence contribue à construire une nouvelle connaissance, ici la notion d’horizontale. Elle ne constitue pas un modèle : on peut par exemple déplorer l’absence d’une conclusion écrite indiquant que l’horizontale est repérée par la surface libre d’un liquide au repos. Chacun trouvera certainement d’autres améliorations ou des variantes pertinentes.

Le mot du formateur

Il peut se trouver, parmi les participants à l’action de formation, des enseignants qui ont déjà pratiqué avec leur classe des démarches engageant leurs élèves dans des situations d’investigation, en sciences ou dans tout autre domaine disciplinaire. Ils peuvent alors relayer le formateur de manière intéressante. Tous les enseignants sont en effet sensibles aux témoignages de leurs pairs et leur accordent généralement un réel crédit, supérieur à celui d’un formateur… En fonction de la durée de l’action de formation, on peut planifier un temps formel pour que quelques participants présentent un travail précis devant leurs collègues. Il est concevable que ce soit dans une discipline non scientifique car il est toujours intéressant de se rendre compte de la transversalité des démarches pédagogiques.
Mettre les enseignants en réflexion est une condition nécessaire pour qu’ils tirent profit de la formation, mais elle n’est pas suffisante. Encore faut-il qu’à la fin de celle-ci, ils repartent avec une vision claire et organisée des aspects que le formateur a voulu aborder et avec des perspectives concrètes. Nous récapitulons ici ce qui peut être tiré de cette activité et alimenter la synthèse du formateur. Il ne s’agit pas de tout présenter, sauf peut-être ce qui concerne la démarche d’investigation puisque c’est l’objectif essentiel, mais de choisir, parmi les éléments que nous proposons, ceux qui sont en continuité avec les discussions et les problèmes soulevés.

La démarche d’investigation

Elle peut être résumée par la formule des programmes : « du questionnement à la connaissance en passant par l’investigation » et est suffisamment décrite par les documents officiels remis pendant l’action de formation pour qu’il ne soit pas nécessaire de développer davantage ce cadre général ici. C’est sur la manière de le décliner que des précisions sont souvent nécessaires. C’est ce que nous proposons ci-après en commençant par des éclaircissements sur le questionnement.

La nature du questionnement et le sens de l’apprentissage

Donner du sens aux apprentissages est une formule célèbre mais aussi fort galvaudée. Il nous semble que de nombreux enseignants confondent cela avec le fait que les élèves formulent eux-mêmes les questions à résoudre et trouvent seuls les réponses. Il s’agit-là d’un contre-sens dans la manière de comprendre cette formule. Un apprentissage a du sens lorsqu’au-delà du concept abordé (par exemple celui d’horizontalité), au-delà de la propriété étudiée (la surface libre de l’eau au repos est plane et horizontale), il amène une meilleure compréhension d’un aspect du monde dans lequel on vit (par exemple une approche du travail des géomètres). Donner du sens à un apprentissage, c’est donc construire des outils intellectuels (des concepts, des manières de raisonner, des propriétés…) non pas de manière gratuite mais de telle manière que l’élève perçoive l’intérêt et la pertinence de ce qu’il vient d’apprendre.
Il peut s’agir, selon le cas, d’une meilleure connaissance

  • - de son corps
  • - de son environnement naturel, scientifique, technique
  • - d’une pratique professionnelle ou domestique
  • - de ces différents aspects dans une perspective actuelle ou historique.

Revenons à notre exemple. Chercher à introduire la notion d’horizontale par l’observation de la surface libre d’un liquide au repos ne constitue pas une activité porteuse de sens car les élèves ne voient pas dans quels contextes la connaissance qui en découle présente de l’intérêt. À l’inverse, dans l’activité scientifique décrite ici, c’est la transposition du travail des géomètres qui fournit le contexte dans lequel la notion d’horizontale et son repérage prennent du sens. Bien entendu, on pourrait imaginer d’autres contextes susceptibles eux aussi de fournir du sens à la même notion.

L’introduction du questionnement

De nombreux enseignants pensent que le questionnement doit venir des élèves. C’est aussi le premier principe de La main à la pâte. Pourtant, si nous pouvons nous permettre une critique constructive, nous dirions qu’il faut savoir contester cette idée généreuse mais très difficile à réaliser et non généralisable. Les questions des enfants sont rarement des questions directement productives* et il faut chez l’enseignant de grandes compétences disciplinaires pour déceler, à travers un questionnement d’enfant, ce qui pourra conduire à des activités intéressantes dans le cadre d’une discipline donnée. Il faut par ailleurs une grande maîtrise pédagogique pour faire émerger ces questions d’enfants, conduire la classe à se les approprier et à les reformuler pour les rendre productives. Même si l’idée n’est pas en elle-même irréaliste, il est difficile d’imaginer qu’elle soit généralisable lorsqu’il s’agit de convaincre des enseignants peu familiarisés avec les sciences qui, en outre, doivent traiter un programme défini à l’avance. Enfin, il y a un risque, nous semble-t-il, à engager trop souvent la classe autour des questions de quelques élèves, souvent les mêmes, alors que c’est chez tous les élèves qu’il faut développer l’aptitude à se questionner.
Le document d’application des programmes de sciences du cycle 3 est très clair sur ce point.
« Les questions des élèves ne peuvent pas être le seul point de départ possible pour une activité scientifique. D’une part, les élèves ne vont pas imaginer tous les problèmes pertinents prévus par les instructions officielles. D’autre part les programmations de l’enseignant ne peuvent pas être en permanence bouleversées par tel problème évoqué par tel élève.
En revanche, il est important d’être attentif aux deux aspects suivants.
- Une question étant retenue, qu’elle vienne d’un élève ou de l’enseignant, le maître doit mettre en œuvre la stratégie et le matériel nécessaires pour que toute la classe se l’approprie.
Poser un problème, donner aux élèves le temps d’y réfléchir, individuellement puis par petits groupes, confronter les hypothèses, mettre en relief les désaccords, crée une dynamique de classe. Le problème devient celui des élèves. Les désaccords sont source de motivation.
- Une fois la classe engagée dans une problématique, toutes les questions qui surgissent en lien avec le sujet traité, sont importantes à relever et méritent d’être traitées dans la mesure précisée plus haut. »
Loin de complexifier la tâche des enseignants, cette alternative nous semble beaucoup plus réaliste d’une part pour satisfaire à l’obligation de se conformer aux programmes, d’autre part pour conduire la réflexion des élèves. Elle n’occulte pas leurs questions, mais elle ne les considère pas comme un point de départ. En effet, l’aptitude à se questionner de manière pertinente sur un sujet donné, dépend essentiellement de la base de connaissance dont on dispose sur celui-ci. En d’autre termes, plus on sait, plus on a de nouvelles questions, plus celles-ci sont pertinentes et plus on mesure l’étendue de ce qu’on ne sait pas encore… Amener les élèves à se questionner de manière productive n’est pas impossible, c’est même un objectif à atteindre. Mais c’est une conquête ! C’est le signe d’une pédagogie réussie, et non un préalable.
Et amener les enseignants à comprendre cela, c’est à notre avis les rassurer et les rapprocher du moment où ils oseront lancer leurs élèves dans des démarches d’investigation…

* : Nous adoptons la définition proposée dans le document d’application des programmes de sciences et technologie du cycle 3 (p. 6). Les questions productives satisfont à deux critères : « elles débouchent sur des expériences, des réalisations ou des observations sans danger matériel, ne soulevant pas d’objections éthiques, réalisables avec les moyens locaux [...] ; elles conduisent [...] à une connaissance nouvelle, comprise dans les objectifs du programme, assimilable par les élèves, et dont l’accord avec le savoir constitué est assuré. »

L’efficacité de l’apprentissage

L’investissement des élèves dans l’activité qui leur est proposée est une condition importante pour que les apprentissages s’opèrent, mais elle n’est pas suffisante. Encore faut-il qu’ils repèrent clairement l’objet de cet apprentissage. C’est le rôle de l’étape repérée dans le « roman photo » par les pages E et F. En fonction du public participant à l’action de formation, il peut être intéressant de rapprocher cela d’un grand nombre de cas similaires que les enseignants rencontrent dans tous les cycles. À l’école maternelle, par exemple, le rôle de l’activité effective des élèves est primordial et justifie toutes sortes de procédés pédagogiques pour qu’elle s’exprime (projet, jeux…). Mais les chercheurs ont bien montré que l’une des causes de l’échec dans cette tranche d’âge vient de ce que certains élèves ne comprennent pas qu’au-delà du jeu, au-delà du projet, il y a quelque chose à comprendre, à apprendre, à retenir. On pourrait tenir le même discours autour des défis scientifiques, si motivants pour les élèves. Sans en contester l’intérêt, il s’agit qu’à travers ceux-ci, il y ait un objet d’apprentissage et que celui-ci soit repéré par les élèves. Les implications quant au rôle du maître sont importantes. C’est à lui d’organiser la séquence pour qu’à certains moments la classe se centre sur l’objet de l’apprentissage.
La synthèse de ce paragraphe et du précédent débouche sur cette idée importante : il s’agit d’articuler la présence d’un contexte qui fournit le sens avec l’identification précise de l’objet de l’apprentissage.
En outre, rien n’interdit d’utiliser la connaissance dans d’autres contextes. Elle sera d’autant plus solide et efficiente si les élèves se rendent compte qu’un même apprentissage présente de l’intérêt dans un grand nombre de situations. L’étude d’une même notion dans des contextes différents peut fort bien ne pas se faire dans la même année. Ce serait l’objet d’une progression bâtie dans un cycle que de voir comment telle notion peut être approchée par des situations différentes.

Les difficultés de la mise en œuvre pédagogique

Lorsque les enseignants rencontrent une situation telle que celle qui sert de support à cette formation, ils se demandent légitimement s’ils pourraient éventuellement la proposer à leur classe. Par expérience, nous pensons qu’un des freins les plus forts est qu’ils doutent des capacités de leurs élèves à imaginer des solutions pertinentes à la situation problème posée. Ils n’ont pas forcément tort, car ce que nous avons écrit plus haut sur le questionnement est sans doute vrai pour la recherche d’une solution : l’aptitude à imaginer des solutions à un problème scientifique ou technique dépend grandement de l’entraînement à ce mode de travail et de la base de connaissances disponible. Des élèves qui n’auraient jamais été mis en situation de recherche et qui n’auraient jamais fait de sciences ou très peu, n’auraient en effet que peu de chance de progresser sur la voie d’un début de solution. Il s’ensuit généralement une démission de leur part et un découragement de l’enseignant « jurant qu’on ne l’y reprendra plus… »
Il semble donc indispensable, en même temps qu’on propose cette action de formation, de fournir des solutions concrètes à cette difficulté pédagogique qui, si elle n’est pas résolue, fera obstacle à la progression des enseignants. L’idée générale est de fournir aux élèves des « guidages » qui leur permettent d’entrevoir dans quelle direction chercher, tout en laissant à leur charge une part de la construction de la solution. Dans l’exemple qui nous occupe, l’enseignante de la classe avait à sa disposition deux guidages qu’elle pouvait utiliser à deux moments différents.

  • - Le premier d’entre eux vise à se prémunir contre le cas où, au tout début de l’activité, aucun élève ne penserait à s’engager dans l’idée d’une visée. Le guidage prend ici la forme d’un questionnement sur le métier des hommes qui ont à faire ce genre de mesure, non pour comparer

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